15 jours pour apprendre à écrire de la poésie
Je vous propose ici d’apprendre à écrire de la poésie, en mettant à profit les quinze jours à venir, puisque nous ne sommes visiblement pas sorti de chez nous avant un petit moment.
Parce qu’écrire c’est toujours en premier lieu « s’écrire » et que la poésie est la forme la plus personnelle de l’expression écrite, un monde enfermé dans un homme (Victor Hugo), une musique que chacun porte en soi (Shakespeare), il peut être intéressant, en parallèle de vos écrits, qu’ils soient de fiction ou didactiques, de vous pencher sur cet art majeur et même si vous n’avez aucune ambition de devenir poète, d’emprunter quelques techniques à la poésie.
Quinze principes déclinés en un petit programme de quinze jours, que vous pouvez bien entendu adapter à votre propre agenda, et même suivre une fois que vous serez libérés délivrés.
Chaque jour, je vous donne le lien d’un poème à lire, si possible à voix haute. J’ai choisi ces poèmes parce que je les aime, mais vous pouvez bien sûr choisir de lire n’importe quel poème qui vous plaît, et aussi rechercher le poème dont je vous ai mis un extrait en début de chaque jour pour le lire en entier.
Jour 1 : Explorer l’ombre
Je n’veux pas sortir
Je n’veux pas me découvrir
Des failles, des failles…
Et je sais pas danser
Je sais pas m’oublier
Je ne sais pas danser, Pomme
La véritable authenticité est de savoir faire face à ses propres failles. Tous les êtres humains sont constitués de parts d’ombres et de lumière. Quelles sont les aspects de vous que vous n’aimez pas révéler ? Parce qu’ils vous font souffrir ou parce qu’ils vous font honte ?
Commencez par écrire un texte qui parle le plus sincèrement possible de ces facettes de vous-même. Ces défauts, une fois mis en lumière, offriront une version humaine et profonde de votre personnalité, bien loin de la superficielle version de soi que l’on donne à voir au quotidien.
Lire La conscience, un poème de Victor Hugo
Jour 2 : S’insérer dans le vide
Le serpent s’esquiva
Mais le regard qu’il me lança
Resta dans l’herbe.
Haïku
Takahama Kyoshi
L’art difficile du Haiku réside dans la maîtrise du vide. C’est-à-dire de ce que l’on ne dit pas et qui doit pourtant prendre toute la place.
Dans le haiku ci-dessus, on peut voir la nature verdoyante autour du serpent, l’homme ou la femme qui se fige devant l’animal, l’impression d’un regard si puissant qu’il demeure en suspens, on peut aussi imaginer l’été, la chaleur…
Vous n’êtes pas obligé de respecter un certain nombre de syllabes, mais essayez en trois vers les plus courts possibles, de raconter un aspect de la vie, de la nature, des sentiments, en laissant deviner ce qu’il y a autour plutôt qu’en le montrant.
Lire À ma femme endormie, un poème de Charles Cros
Jour 3 : Sentir le mystère
C’est bizarre que nous, qui sommes capable de tant souffrir, puissions infliger aux gens tant de souffrances. Les vagues, Virginia Woolf
On a l’habitude d’expliquer les choses en rationalisant. C’est une caractéristique de notre cerveau gauche, qui aime contrôler. Ce qu’il ne comprend pas l’angoisse.
Mais votre cerveau droit, lui, se passionne des mystères, de l’inexplicable, de ce qu’il ne parvient à saisir…et que dirait-il si on le laissait s’exprimer ?
Trouvez vous aussi un phénomène incompréhensible et écrivez tout ce que vous sentez à son propos, sans jamais chercher à l’expliquer de manière rationnelle.
Lire À la poésie, un poème de Marceline Desbordes-Valmore
Jour 4 : Colorer le sentiment
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles…Voyelles, Arthur Rimbaud
Tout le monde n’est pas synesthète et pourtant si on laisse vagabonder son esprit, on peut appliquer des couleurs sur des concepts, des notes de musique, des goûts, des sentiments…
Essayez de prendre un concept qui n’a habituellement aucune couleur et de lui appliquer les teintes qui vous plaisent.
Lire Le dormeur du val, un poème d’Arthur Rimbaud
Jour 5 : Penser en rythme
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j’ai envie de rire
Oui je ris aux éclats
J’aime celui qui m’aime
Est-ce ma faute à moi
Si ce n’est pas le même
Que j’aime chaque foisJe suis comme je suis, Jacques Prévert
Longtemps la poésie a été codifiée : on composait des quatrains dont les vers étaient des alexandrins.
Aujourd’hui, bien entendu, personne ne s’offensera de l’alternance de vos rimes, ni que vous ayez allongé ou raccourci vos nombres de pieds par vers.
Cependant, il peut être intéressant d’explorer le rythme, voire une cadence répétitive, faite d’allitérations (répétitions des consonnes) et d’assonances (répétitions des voyelles).
Essayez de composer un poème dont chaque vers contient le même nombre de pieds et des répétitions de voyelles et consonnes.
Petite astuce intéressante : les consonnes dites « dures » sont p, k, c, q, t, et les consonnes « douces » : b, d, g, j, l, m, n, v, w, z. Les consonnes suivantes : s, ç, f, r, x, s’adaptent à leur environnement : si vous les utilisez avec des consonnes douces, la phrase ou le mot garderont leur douceur, et vice-versa.
Lire Le poème du joug, de Marguerite Yourcenar
Jour 6 : Supprimer le médiocre
Il y a un oiseau bleu dans mon cœur
qui veut sortir
mais je l’arrose de whisky
et de fumée de cigarettes
et les putes, les patrons de bar
et les épiciers
ne sauront jamais qu’il
est là
Il y a un oiseau bleu dans mon cœur
qui veut sortir
mais je suis trop fort pour lui
je lui dis reste tranquille, qu’est-ce que tu veux, foutre le bordel
en moi
tu veux foutre en l’air mon travail?
tu veux bousiller mes ventes de livres en Europe?
Il y a un oiseau bleu, Charles Bukowski
Les clichés, les platitudes, les vérités qui ne dérangent personne, sont autant de manières de ne pas exprimer sa propre authenticité. Les personnes terrifiées d’être jugées, qui ont envie de trop plaire sont les premières victimes de ces pièges langagiers.
Alors, plutôt que d’essayer de « bien écrire » ou d’imaginer plaire à la Grande Confrérie des Poètes de Poitou-Charentes, dites votre vérité et lâchez la bride à ce bon élève qui craint les mauvaises notes. Dites merde aux conventions et exprimez ce que vous avez envie d’exprimer.
En plus c’est bien plus marrant.
Lire L’albatros, un poème de Charles Baudelaire
Jour 7 : Répéter l’évidence
Un homme est mort qui n’avait pour défense
Que ses bras ouverts à la vie
Un homme est mort qui n’avait d’autre route
Que celle où l’on hait les fusils
Un homme est mort qui continue la lutte
Contre la mort contre l’oubli.
Gabriel Péri, Paul Éluard
Le poète voit l’absurde et la tragédie dans la banalité du quotidien. Il met ainsi en valeur des vérités profondes que le commun des mortels ignore par confort ou par négligence. La répétition, en exacerbant le sens, en renforçant le pouvoir de conviction du propos, provoque un réveil de la conscience.
Essayez vous aussi, de répéter des mots ou des groupes de mots en début (anaphore) ou en fin (épiphore) de vers, de paragraphes ou de quatrain pour ouvrir les yeux sur un phénomène ou une situation qui vous touchent.
Lire La souris, poème de Jules Renard
Jour 8 : Déstructurer le connu
Pour faire un poème dadaïste
Prenez un journal
Prenez des ciseaux
Choisissez dans ce journal un article ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème.
Découpez l’article.
Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac.
Agitez doucement.
Sortez ensuite chaque coupure l’une après l’autre dans l’ordre où elles ont quitté le sac.
Copiez consciencieusement.
Le poème vous ressemblera.
Et vous voici un écrivain infiniment original et d’une sensibilité charmante, encore qu’incomprise du vulgaire.
Tristan Tzara
En suivant la petite recette ci-dessus, composez un poème de 8 vers et finissez chacun par les phrases suivantes :
- , c’est une prière que j’ai inventée.
- , il ne faut le dire à personne.
- , bien que l’on puisse penser le contraire.
- , c’est un rêve que je fais souvent la nuit.
- , sans vouloir t’offenser.
- , n’est-ce pas étrange ?
- , on a tendance à l’oublier.
- , et voilà au fond qui je suis.
Vous pouvez poster le résultat dans les commentaires ! 😋
Lire À Aurore, un poème de George Sand
Jour 9 : Révéler la tragédie
Souvent aussi la main qu’on aime,
Effleurant le cœur, le meurtrit ;
Puis le cœur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde ;
Il est brisé, n’y touchez pas.Le vase brisé, Sully-Prudhomme
N’importe quel événement, si insignifiant soit-il, peut être utilisé comme allégorie d’une réalité plus vaste. C’est en saisissant ces détails du quotidien et en les comparant à nos sentiments les plus sombres, les plus enfouis, que le poète parvient à émouvoir.
Prenez votre routine quotidienne comme inspiration et cherchez, dans les petites choses qui surviennent, le reflet de l’absurdité du monde. Surtout en cette période de confinement qui nous révèle de nombreuses bassesses, des conflits misérables, nous renvoie à notre insignifiance, notre mortalité.
J’ai aujourd’hui pensé en observant le nombre incroyable de gens qui promenaient leur chien sur la place, quand il n’y a habituellement presque jamais personne : « L’ennui fait ressortir les vieux démons comme les chiens. Bien tenus en laisse, cela dit, on ne craint rien. » (Chuis profonde et tout).
Lire Jour de lessive, un poème de Gaston Couté
Jour 10 : Dessiner le mouvement
Dieu ! la voix sépulcrale
Des Djinns !… Quel bruit ils font !
Fuyons sous la spirale
De l’escalier profond.
Déjà s’éteint ma lampe,
Et l’ombre de la rampe,
Qui le long du mur rampe,
Monte jusqu’au plafond.Les Djinns, Victor Hugo
Les poètes savent rendre leurs écrits expressifs en conférant à l’inanimé le pouvoir des êtres vivants : la capacité de se mouvoir.
C’est le moment de revenir à nos vieux cours de français : qui se rappelle de la métonymie ? Le mot vous dit très certainement quelque chose, si comme moi vous vous réveilliez parfois entre deux siestes, le visage caché derrière Le Rouge et le Noir.
La métonymie est une figure de style un peu fourre-tout, qui signifie en gros : utiliser une idée associée pour en remplacer une autre. Exemple : « Boire un verre ». À part si vous êtes un fakir, vous savez que l’on ne boit pas le contenant mais le contenu.
Ici, Victor Hugo fait ramper les ombres le long des murs. (C’est Peter Pan ou quoi mdr ?)
À vous d’écrire un poème ou un texte dans lequel vous ferez bouger ce qui ne bouge pas, utiliserez les contenants pour les contenus, le pluriel pour le singulier, le signifié pour le signifiant, etc.
Lire La terre et l’enfant, un poème de René-François Sully-Prudhomme
Jour 11 : Raconter le secret
Je vais te dire un grand secret J’ai peur de toi
Peur de ce qui t’accompagne au soir vers les fenêtres
Des gestes que tu fais des mots qu’on ne dit pas
J’ai peur du temps rapide et lent j’ai peur de toiJe vais te dire un grand secret, Aragon
Imaginer votre lecteur comme votre confident : livrez-lui vos secrets, vos peurs et vos tourments. Donnez-lui le sentiment qu’il assiste à une révélation et se sente privilégié d’être ainsi considéré.
Vous n’êtes pas, comme Aragon, obligé de commencer vos vers par « Je vais te dire un grand secret », ni même « Chut le répète pas steplé », mais donnez l’impression de chuchoter, d’avouer, de confesser.
Vous pouvez aussi utiliser des phrases qui laissent entendre la confession : « J’ai dans le coeur… » « Personne ne le sait mais… », « J’ai toujours gardé cela pour moi », « Lorsque je suis seul.e chez moi… » etc.
Lire Le loup et le chien, une fable de Jean de La Fontaine
Jour 12 : Comprendre les oiseaux
Il y a le ver du cerfeuil
Et il y a le ver de terre.
Il y a l’endroit à l’envers,
L’amoureux qui écrit en vers,
Le verre d’eau plein de lumière,
La fine pantoufle de vair
Et il y a moi, tête en l’air,
Qui dit toujours tout de travers.Homonymes, Maurice Carême
Connaissez-vous le langage occulte des alchimiste ? On l’appelle la langue des oiseaux.
Elle se base sur des rapprochements sémantiques entre sonorités et utilise majoritairement l’homonymie, considérant les langues humaines avant tout comme des « sons » (à la manière des chants d’oiseaux).
La psychanalyse l’utilise beaucoup, dans l’association libre comme dans l’interprétation des rêves. Qui n’a jamais entendu parler du rêve de « l’ascenseur », qui signifiait en réalité « sans sœur » pour le patient jaloux de sa petite sœur récemment née ?
Prêtez attention à la sonorité des mots que vous exprimez. Que ce soit pour réaliser que vous parliez de quelque chose d’autre, comme pour faire des choix plus approprié.
Essayez d’écrire un texte libre, puis relisez-le et réécrivez tout le texte en homonymes.
Cèpe ou raie tuile queue vous pare l’y aide haute réchauds œufs ? (Se pourrait-il que vous parliez d’autre chose ?)
Lire Sur le lac, un poème de Nakahara Chuya
Jour 13 : Embrasser sa complexité
De pierre sont les uns, d’argile d’autres sont, –
Moi je scintille, toute argentine !
Trahir est mon affaire et Marina – mon nom,
Je suis fragile écume marine.D’argile sont les uns, les autres sont de chair –
A eux : tombes et dalles tombales !
– Baptisée dans la coupe marine – et en l’air
Sans fin brisée, je vole et m’affale.Le ciel brûle, Marina Tsvétaïeva
Je ne sais pas pour vous, mais moi, lorsqu’on me dit « Arrête de te prendre la tête », j’ai envie de me lever et de hurler : « Jamais ! » avant de claquer la porte et de m’enfuir pour les terres désolées du Royaume de la Prise de Tête.
C’est important de se prendre la tête : prenez-la, votre tête, à pleines mains et creusez au fond de vous, analysez, explorez, décelez, sentez, observez ces chemins qui ne sont empruntés que par vous : vous êtes complexe.
Vous êtes complexe, parce que vous êtes unique. Vous êtes des sommes et des combinaisons, des résultats et des multiplications de toutes vos expériences vécues.
Même si l’on passe cinquante ans auprès d’une personne et qu’on l’aime, elle demeure un mystère, parce qu’elle choisit ce qu’elle montre et souvent, elle ne se comprend même pas elle-même.
J’aime beaucoup ce passage du Livre du rire et de l’oubli de Milan Kundera :
Ils ne se comprenaient jamais, Edwige et lui, pourtant ils étaient toujours d’accord. Chacun interprétait à sa façon les paroles de l’autre et il y avait entre eux une merveilleuse harmonie. Une merveilleuse solidarité fondée sur l’incompréhension.
Et cette citation de Virginia Woolf :
Chacun de nous a son passé renfermé en lui comme les pages d’un vieux livre qu’il connaît par cœur, mais dont ses amis pourront seulement lire le titre.
L’être humain aime généraliser, mettre l’autre dans une case pour se rassurer. Il se fait rapidement une opinion de l’autre en jugeant d’une action ou d’une parole : il est loin de le saisir dans toute sa complexité.
Rappelez-vous une situation que vous avez vécue et dans laquelle vous avez eu la sensation de n’être pas compris.e. Tentez de raconter aux autres protagonistes de cet événement votre version de l’histoire, tout ce que vous avez ressenti, ce qu’il n’ont pas vu en vous, pas compris de vous. Il ne s’agit pas seulement d’être votre propre avocat, mais de donner toutes les facettes de cette histoire, depuis votre point de vue, avec le contexte d’alors, les causes du passé qui ont conduit à cet instant, tous les sentiments que vous avez éprouvés.
Lire Petit poème des poissons de la mer, d’Antonin Artaud
Jour 14 : Prendre des risques
En moi s’affrontent
L’enthousiasme à la vue du pommier en fleurs
Et l’effroi lorsque j’entends les discours du barbouilleur.
Mais seul le second
Me pousse à ma table de travail.L’heure n’est pas à la poésie, Bertolt Brecht
En 1939, Bertolt Brecht est au Danemark. Il a fui l’Allemagne où l’on brûle ses livres. Celui qu’il appelle « barbouilleur » est Hitler, qui a tenté les beaux-arts de Vienne et n’a pas été reçu.
Même si votre but en écrivant est de simplement distraire (il est difficile de bien distraire !), engagez-vous dans ce que vous écrivez :
- À être sincère
- À prendre parti
- À sortir de votre zone de confort
- À éviter les platitudes
Il faut prendre des risques. Il faut se confronter à la menace du jugement de l’autre. De toutes manières, quoi que vous disiez et même si vous balancez des généralités dont vous êtes certains qu’elles ne blesseront personne, vous serez critiqué. Alors, quitte à être jugé, autant être jugé pour être demeuré vous-même jusqu’au bout.
Écrivez un texte où vous dénoncez, où vous faites un éloge, où vous prenez clairement parti. Sentez ce qu’il vous fait le plus peur de dire, de crainte d’être jugé.
On dit que les paroles s’envolent et les écrits restent : considérez-les comme le témoignage de votre évolution. Ce que l’on pense un jour peut changer. Ne craignez rien, c’est la confrontation des idées entre elles qui nous fait avancer.
Et vous, que pensez-vous qui ne soit pas admis par la société ? Essayez de mettre en vers ou en prose vos idées peu populaires.
Lire cet extrait de Ressuciter, de Chritian Bobin
Jour 15 : Manger de l’absurde
Si les poètes étaient moins bêtes
Et s’ils étaient moins paresseux
Ils rendraient tout le monde heureux
Pour pouvoir s’occuper en paix
De leurs souffrances littéraires
Ils construiraient des maisons jaunes
Avec des grands jardins devant
Et des arbres pleins de zoizeaux
De mirliflûtes et de lizeaux
Des mésongres et des feuvertes
Des plumuches, des picassiettes
Et des petits corbeaux tout rouges
Qui diraient la bonne aventure.Si les poètes étaient moins bêtes, Boris Vian
En 2020, on sait que la matière est composée de particules élémentaires, on comprend comment se forment les trous noirs et on parvient à découper de l’ADN, mais on ne parvient toujours pas à expliquer pourquoi le facteur sonne toujours pendant qu’on est aux toilettes.
À force d’essayer de comprendre comment tout cela marche, on finit toujours par être saisi par l’effroyable dimension de l’inconnu. L’infini nous terrifie, l’avant et l’après nous angoissent, et on trouve pas mal de refuges pour éviter ces sentiments. L’un d’eux est la poésie. Cristalliser l’absurde, c’est admettre qu’on y comprend rien et déclarer que cela nous amuse.
Écrivez un poème pour parler d’un phénomène qui vous effraie et jouez avec les concepts que vous comprenez, ceux que vous croyez comprendre et ceux dont vous convenez que vous n’y bitez strictement rien.
Lire Condamné, un poème d’André Frédérique
Allez, je vous en fais un petit, histoire que vous ne vous sentiez pas tout seul :
J’ai reçu une lettre
Une lettre toute blanche
Avec un gros tampon
De l’administration.
Elle sent bon la guimauve
Je pense qu’un ministre
M’envoie un bon
Pour m’acheter des bonbons.
Je la mets sous mon tapis
Pour la retrouver dans dix ans
Quand je partirai de Limoges
Pour la Californie
Je la mets dans ma cheminée
Les courriers des impôts
Font souvent de jolies flammes violettes
Qui dansent le boogie-woogie
Je la mets sur ma tête
Pour me protéger du soleil
Un nuage qui passe par là
Me crie : « Restez chez vous ! »
Je veux la donner à mon voisin
Mais il ne m’ouvre pas
Il tousse des petits serpents
Qui se faufilent sous la porte
J’en attrape un par le cou
Il me siffle un air de clarinette.
Vous aussi, partagez vos tentatives ci-dessous ! 🙂
Sophie Gauthier vous apprend à écrire et à vivre de vos écrits. Articles, livres, romans, pages de vente : découvrez comment rédiger et devenir un pro de la plume !
Bonjour Sophie
As-tu prévu un cours sur la poésie, ou si c’est déjà fait je ne l’ai pas trouvé
Merci
Isabelle
Bonjour Sophie
As -tu prévu un atelier poésie ?
Merci
Isabelle
Hello Isabelle, je ne fais pas d’atelier poésie, mais le carnet créatif possède plusieurs exercices de poésie.