Comment écrire un roman policier
Comment écrire un roman policier est un article très spécial, car il ne s’agit pas réellement de mon enseignement, mais celui de R.S Monroe, célèbre auteur de polars.
Richard S. Monroe, l’un des auteurs de romans policiers les plus énigmatiques et acclamés de sa génération, est mort. C’est moi qui l’ai trouvé au matin du 8 octobre 2022, dans sa chambre. Lorsqu’il m’a appelée, à l’aube, en me demandant de venir au plus vite, je n’ai même pas pris le temps de prendre une douche. J’ai aussitôt enfilé un jean et un pull, puis j’ai appelé un chauffeur et à six heures douze, j’ai grimpé quatre à quatre les étages de sa maison du Square des Peupliers. Étant sa plus grande fan, sa disciple et sa plus ancienne lectrice et, je l’avoue, non sans fierté, sa meilleure amie, j’ai des privilèges. Posséder un double de ses clés en fait partie.
Il était allongé sur le sofa. J’ai tout d’abord cru qu’il dormait. C’est en m’approchant que j’ai aperçu le sang qui coulait de sa tempe vers le tapis, formant une flaque dans laquelle sa main reposait, ouverte sur un automatique encore chaud. Sur la petite desserte à ses pieds, une note avait été écrite et posée sur une chemise cartonnée, remplie de son dernier ouvrage. Elle m’était adressée :
« Sophie, tu as toujours été mon amie. je te remercie pour toutes ces années que tu as passées à mes côtés, à me soutenir, à me relire. Je t’offre ce dernier manuscrit Comment écrire un roman policier : il renferme tous mes secrets d’écriture de polars. Tu me posais tellement de questions et jamais tu n’as réussi à m’arracher le moindre mot concernant ce que j’appelais « mes prestiges ». Eh oui, il faut être un peu magicien pour mystifier son lectorat ! Pardonne-moi ma dernière faiblesse. Ce monde m’a beaucoup donné, mais il m’a aussi beaucoup trop pris. Je te charge de faire publier cet ouvrage, si tu penses qu’il le mérite. Bien à toi, R.S Monroe, ton ami, à jamais. »
Je vous passe les interminables processions de policiers et de questions, ainsi que les multiples tentatives, infructueuses, de contacter un quelconque membre de sa famille. Ses parents sont décédés, de chagrin, après son enlèvement lorsqu’il avait quatre ans. Cela, je dois vous le raconter, avant même de vous faire prendre connaissance du contenu de son manuscrit, car c’est une histoire terrifiante, mais tout à fait fascinante !
Enfant, R.S Monroe a été enlevé par une femme, une psychotique échappée d’un hôpital qui n’avait jamais pu avoir d’enfants et dont l’idée l’obsédait. Elle avait kidnappé Richard dans un parc et personne n’a su ce qu’il était devenu pendant des années. Son père s’était noyé dans l’alcool pour mourir de chagrin, bientôt rejoint par sa femme.
Plus personne ne croyait à la survie du petit Richard et vingt-deux ans passèrent avant qu’il ne reparaisse, d’une manière pour le moins originale : après qu’il ait passé toute sa vie enfermé dans une cave aménagée, sa kidnappeuse lui avait permis de partir de la façon suivante : elle l’avait sédaté, puis transporté, yeux bandés, dans un autre état, où elle l’avait abandonné, au milieu d’un bois. Richard n’avait pas prévenu la police : il s’était immédiatement rendu vers le domicile de ses parents et, ayant appris leur mort, avait décidé de se venger, seul.
Il n’avait jamais retrouvé ni le lieu ni la femme. À la place, il a décidé de publier un roman « La femme aux ombres. Et puis un autre, « La Mémoire des Cendres », et encore bien d’autres. Tous des best-sellers.
Et voilà qu’il me laissait en même temps orpheline et à la fois parente adoptive de sa dernière oeuvre. À la fois en deuil et dans l’attente d’une révélation. J’ai ouvert fébrilement la chemise et en ai sorti le manuscrit. Voici ce qu’il contenait :
Comment écrire un roman policier
- Commencez par la fin : Construisez votre twist final renversant avant d’entamer l’écriture. Découvrez les différents types de twists sur le meurtrier, la victime, le mobile et le suspect.
- Créer un bon alibi pour le meurtrier : Quelle stratégie ingénieuse va-t-il utiliser pour dissimuler sa culpabilité ?
- Écrire votre enquête en repartant de zéro : Utilisez une structure classique d’un roman/
- Créez un bon protagoniste : Un enquêteur que votre lecteur aura envie de suivre dans son enquête.
- Creéz un bon antagoniste : Il doit posséder une personnalité de couverture et une personnalité réelle.
- Disséminez les indices et fausses pistes : Semez subtilement des indices qui créez des fausses pistes efficaces.
- Utilisez une intrigue secondaire : Que ce soit pour explorer l’univers, approfondir le personnage ou la relier à l’enquête principale.
1. Écrire un polar : Commencez par la fin
Le roman policier répond aux règles d’un fin renversante. Il en existe de nombreuses sortes, mais la plupart répondent à cette injonction :
Il n’était pas celui qu’on croyait.
Qui ? Le meurtrier, pardi ! Mais pas seulement. La victime aussi, pourquoi pas ? Et le mobile, et le suspect ? Et pourquoi pas… tout à la fois ?
Le twist final du roman policier : ce n’était pas ce que l’on croyait
Voici quelques exemples de types de twists que l’on peut retrouver dans un roman policier :
Exemple avec un célèbre roman policier
Prenons l’exemple du roman policier A.B.C. contre Poirot :
Mrs Asher à Andover a été tuée avec un bas, puis vient le tour de Betty Barnard à Bexhill. À côté de chaque victime, un chemin de fer A.B.C. est laissé comme marque de l’assassin. Celui-ci pourrait bien être Alexander Bonaparte Cust, un voyageur de commerce, présent à chaque meurtre dans la ville même, chez les victimes, et qui possède un stock de bas à vendre et de cartes A.B.C. Tout le désigne. Trop de choses le désignent. Mais Hercule Poirot ne se laissera pas abuser !
Mais voilà le fin mot de l’histoire. Je n’hésite pas une seconde à vous la dévoiler, car comment pourrait-on prendre au sérieux un aspirant écrivain policier qui n’a pas lu tous les Agatha Christie ? Allons, si ce n’est pas fait, passe pour cette fois, prenez deux heures pour le lire rapidement, avant que je ne me fâche.
Voici le fin mot de l’histoire, Frank Clarke est amoureux de Betty Barnard. Mais celle-ci jette son dévolu sur son frère aîné, Sir Carmichael Clarke, héritier de la fortune familiale. Il souhaite donc les tuer tous les deux, par jalousie et pour récupérer la fortune.
Pour cacher ces deux crimes, il opère de la manière suivante : Il fait croire qu’un serial killer, nommé A.B.C, tue des personnes au hasard, dont le nom commence par une lettre de l’alphabet, dans une ville commençant par cette même lettre de l’alphabet. Ainsi, il tuera une certaine Madame Asher à Andover (qu’il ne connaît pas), puis Betty Barnard à Bexhill, et Carmichael Clarke à Churston.
Mais ce n’est pas tout ! Il cherche une personne dont les initiales sont ABC, et trouve le pauvre bougre Alexandre Bonaparte-Cust et il lui offre un emploi de vendeur à domicile de bas pour dames, en se faisant passer pour une agence fictive. Il lui fournit un gros paquet de guides de train ABC (le nom des guides d’horaires de chemin de fer de l’époque), des lots de bas, une machine à écrire et une liste de villes et de clients à visiter dans un certain ordre. Alexandre, bon employé, s’exécute.
En même temps, Frank Clarke tue ses victimes, laisse un bas sur le lieu du crime, un guide ABC et une lettre tapée à la machine signée ABC. Il ira cacher un couteau ensanglanté chez Alexandre Bonaparte-Cust.
Ici, la victime n’était pas celle qu’on croyait :
- On pensait qu’il y avait une cible par lettre de l’alphabet, alors qu’il n’y en avait que deux : B et C. Mrs Asher, n’était qu’un dommage collatéral*.
*en français dans le texte
Le mobile n’était pas celui qu’on croyait :
- On pensait à un serial-killer, maniaque de l’alphabet et des bas pour dames. En fait, il s’agissait d’un mobile amoureux et financier.
Le meurtrier, évidemment, n’était pas celui qu’on croyait :
- Frank Clarke, frère de la victime C et amoureux de la victime B, pas Alexandre Bonaparte-Cust.
Le meurtrier du polar : Comment ne pas se faire prendre ?
Dès qu’on a trouvé quelques idées de types de twists, on se met à réfléchir comme un meurtrier (oui, écrire un roman policier nécessite de faire appel à votre côté machiavélique et stratège). Comment faire pour « ne pas se faire prendre » ? Il faut construire une machination.
Créer l’alibi parfait
Comment faire en sorte de ne pas être suspecté par les enquêteurs ?
- N’avoir aucun motif de tuer : Si le meurtrier est censée aimer la victime, avoir un intérêt qu’elle reste en vie, ou au contraire ne semble tirer aucun bénéfice de sa mort, l’enquête se détournera de lui.
- Ne pas être là : ne pas pouvoir se trouver sur le lieu du crime au même moment est tout de même l’alibi parfait. Imaginez que le meurtrier recrute un sosie pour aller à une conférence lointaine à sa place, là-bas, personne ne le connaît, mais sa présence est attestée, mieux, il est vu sur les caméras de surveillance !
- Avoir un témoin : Une personne atteste de la présence du meurtrier à ses côtés, pour des motifs à définir, bien-entendu !
- Être plusieurs : Le meurtrier est en réalité…des meurtriers. Ils se couvrent les uns les autres, ou réalisent chacun une partie du plan. Comme dans le film « L’inconnu du Nord-Express » de Hitchcock, deux personnes s’entendent pour tuer la cible de l’autre.
Détourner les soupçons
Comme nous l’avons vu ci-dessus, le meurtrier a de nombreuses manières de détourner l’attention de lui. Il doit faire en sorte, non seulement d’éloigner l’attention de lui, mais aussi de la porter sur quelqu’un d’autre.
« Qui pourrait avoir un motif de tuer cette personne à part moi ? » pourrait-il se demander.
Ou encore :
« Comment faire pour que l’enquête parte dans une direction totalement fausse ? »
Quelques exemples :
- Tuer plusieurs personnes, dont celui qu’on vise vraiment : Comme on l’a vu avec A.B.C. contre Poirot, se faire passer pour un serial killer et tuer sa victime parmi d’autres, fera partir l’enquête sur un profil très éloigné de celui du meurtrier : un proche.
- Se faire passer pour une autre victime : le meurtrier se blesse lui-même au cours d’une prétendue agression par une tierce personne.
- Créer de fausses preuves : Réussir à se procurer l’ADN et les empreintes d’une autre personne et les répandre sur la scène du crime.
- Créer un faux profil psychologique : le meurtrier tue en laissant une énigme et des dessins étranges, prétendant qu’il tuera encore, alors qu’il l’a fait pour des raisons personnelles.
- Faire un très long trajet en très peu de temps : si le meurtrier est en voyage avec sa famille, il peut partir de nuit, avec une voiture volée, faire une très longue route de nuit en roulant vite, tuer sa victime et revenir se coucher, sans que personne ne se soit aperçu de son absence.
- Changer d’apparence : Se grandir de dix centimètres, changer de couleur de cheveux, de visage, de démarche, d’accent, pour faire rechercher un profil qui est bien éloigné de celui du meurtrier.
2. Comment écrire votre roman policier : repartir à zéro
Une fois qu’on a bien manigancé notre crime parfait, on repart de zéro, avec une structure de roman basique :
Structure de roman policier en 5 actes
Vous pouvez, si vous le souhaitez, utiliser n’importe quelle autre structure de roman qui vous convienne. La particularité de l’écriture d’un roman policier ne se situe pas dans son architecture, mais dans le fait de devoir écrire une histoire (celle du meurtre), avant d’écrire l’histoire que va lire le lecteur (celle de l’enquête). Je vous propose néanmoins une structure de roman de base :
- Situation initiale : La vie quotidienne (souvent racontée très brièvement, une action, une anecdote) de l’enquêteur.
- Événement déclencheur : La découverte du cadavre.
- Péripéties : L’enquête.
- Climax : Le moment où l’enquête patine au point qu’on se dit que cette affaire ne sera décidément jamais résolue
- Dénouement : Révélation de la vérité.
Notre enquêteur est la plupart du temps notre protagoniste :
Créer un bon enquêteur de polar
Le protagoniste doit répondre à des critères de personnage qui le rendront suffisamment intéressant pour ses lecteurs. De nombreux auteurs aiment les faire alcooliques, avec un passé sombre, un divorce, une dépression. Personnellement, j’aimerais que les enquêteurs soient un peu moins sombres et un peu plus originaux. Je recommande d’associer une qualité remarquable, avec une caractéristique amusante ou intéressante et un défaut sympathique :
- Parent de six enfants qui prend le temps pour chacun d’eux et s’occupe vraiment de leurs intérêts et petits tracas du quotidien + collectionneur de morceaux de météorites + bordélique
- Énergique, ne dort que 2h par nuit + fait des tours de magie + malchance extraordinaire
- Extrêmement drôle + coureur automobile + hypocondriaque
- Capacité d’unir les autres, de former des équipes + force physique exceptionnelle + sens de l’orientation défectueux
Bien entendu, il doit être supérieurement intelligent. Mais cela ne signifie pas forcément HPI ou génie. Il peut y avoir de multiples manières de posséder un côté brillant nécessaire à la résolution d’une enquête : un excellent esprit de synthèse, une mémoire photographique, un méthodologiste faisant des « temples de mémoire » dans son esprit, un criminologue/profiler major de sa promo, un spécialiste de l’analyse de déclarations (trop peu utilisé), ou tout simplement un vieux briscard ayant roulé sa bosse au point qu’il fait des rapprochements constants avec d’autres affaires.
Si notre enquêteur est notre protagoniste, notre meurtrier sera donc l’antagoniste :
L’antagoniste : deux personnalités en une
Vous allez devoir créer un antagoniste, mais celui-ci dissimulant son crime, dissimule aussi sa véritable nature. Il va donc lui falloir une personnalité réelle et une personnalité de couverture.
Sa personnalité réelle sera déduite en partie du crime commis, surtout ses défauts :
- Si le meurtrier a tué par jalousie, son défaut sera bien-entendu une jalousie maladive et associé à ça, du machiavélisme et sûrement une bonne dose de narcissisme.
- Si le meurtrier a tué pour l’argent, il sera vénal, potentiellement paresseux et médiocre.
- Si le meurtrier a tué pour se venger, il sera revanchard, haineux et violent…
Pour sa personnalité de couverture, je vous conseille de la faire « positive » sans être trop sympathique et suffisamment intéressante pour détourner l’attention. Ces qualités sont là pour couvrir, il faudra donc chercher de quelle manière une personne pourrait essayer de dissimuler :
- Une vénalité : peut être remplacée par une fausse générosité de surface. Donne peu, mais dès qu’il le fait, s’arrange pour qu’on le remarque.
- Une jalousie maladive : peut-être dissimulée par une grande tolérance, une ouverture d’esprit, une joie débordante…
- Le revanchard pourra se faire passer pour le type le plus sympa qui soit, qui aide les enquêteurs, charmeur…
Le meurtrier possède aussi des qualités, qui sont d’ailleurs inhérentes aux besoins de la narration. Imaginons l’histoire suivante :
La personne découvre que son frère s’est suicidé à cause de maltraitances subies dans une institution où il avait été placé enfant. Elle décide d’orchestrer le meurtre de celui qui l’a abusé. Elle est donc bien sûr, remplie de haine, mais possède aussi un tempérament de justicier. Il ne faut pas l’omettre, et si elle veut dissimuler ce côté justicier pour qu’on ne la soupçonne pas, cet aspect de sa personnalité sera tout de même évident dans sa manière de réagir, sa sensibilité particulière à la souffrance des plus faibles, par exemple.
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3. Écrire un roman policier digne de ce nom : Les indices et fausses-pistes
Dans un roman policier, l’intrigue repose sur un équilibre subtil entre ce que l’on montre et ce que l’on cache.
Les indices permettent d’orienter le lecteur et les enquêteurs vers la vérité, tandis que les fausses pistes ou red herrings les entraînent sur des chemins trompeurs. Tout l’art de l’écrivain de polar réside dans la capacité à semer ces éléments avec finesse, pour maintenir le suspense jusqu’à la révélation finale.
Disperser les indices dans le roman policier
Dans un roman policier, les indices jouent un rôle central dans l’avancée de l’intrigue. L’art de les disséminer réside dans la subtilité : ils doivent être suffisamment visibles pour être repérés, mais assez dissimulés pour ne pas révéler trop tôt la vérité au lecteur. Voici quelques techniques pour bien disperser les indices dans votre polar.
Introduire des indices dans les descriptions
Il est crucial que les indices ne sautent pas immédiatement aux yeux du lecteur. Une bonne technique consiste à les insérer dans des descriptions anodines ou à les lier à des éléments du quotidien des personnages. Par exemple, un objet crucial à l’intrigue pourrait être mentionné en passant, comme un détail parmi d’autres, avant qu’il ne devienne significatif plus tard dans l’histoire.
Exemple : « Sur la commode, un vieux briquet en argent, légèrement terni, trônait parmi les cadres photos et les bibelots. »
L’attention est portée sur le premier élément donné : le briquet en argent, mais il pourrait finalement s’avérer que les cadres photos soient en réalité une piste, à moins que ce ne soit la commode !
Varier la nature des indices
Pour maintenir le suspense, les indices doivent être variés et toucher différents domaines :
- objets
- témoignages
- incohérences temporelles
- attitudes des personnages
- des choses absentes (supposées être présentes)
Les indices tangibles (un morceau de tissu, des empreintes, une lettre) peuvent être complétés par des indices psychologiques (un comportement inhabituel, une contradiction dans les propos d’un suspect). L’idée est de nourrir l’intrigue à différents niveaux.
Exemples :
- Une montre appartenant à un suspect est retrouvée chez la victime et peut indiquer sa présence au moment du crime, mais c’est en réalité l’heure indiquée sur la montre qui constitue l’indice !
- Une photo de famille : on décrit la photo rapidement, mais on ne mentionne pas une personne, qui devrait pourtant s’y trouver.
- Une personne au tout début du roman témoigne par rapport à une autre affaire, une enquête sur laquelle était le policier avant que le meurtre du roman ne survienne. Ce témoignage renfermait un indice clé.
Créer des indices « caméléons
Les indices les plus efficaces sont souvent ceux qui changent de sens au cours de l’intrigue. Ce sont des éléments que l’on pense avoir compris d’une certaine manière, mais qui prennent une toute autre signification lorsqu’un nouveau fait est révélé.
Exemples :
- Un billet de train déchiré : semble indiquer que le meurtrier a pris le train et qu’il possède donc un alibi, mais ce billet est en réalité daté d’un an avant et déchiré au niveau de l’année : 16-10-202..
- Une lettre d’amour contient en réalité un code.
- Une fenêtre brisée semble indiquer une effraction, mais un morceau de verre est bientôt retrouvé à deux mètres vers l’extérieur, confirmant qu’elle a été brisée depuis l’intérieur.
- Des empreintes sur l’arme du crime indiquent un suspect. Mais l’analyse de la position révèle l’impossibilité de tenir l’arme de cette façon.
- Un chien ne cesse d’aboyer au loin, les voisins s’en plaignent. Un jour, l’enquête les mène vers la maison où le chien aboyait. On y retrouve un cadavre qui vient clore l’affaire. Le chien aboyait pour prévenir de la mort de son maître.
Mais l’auteur de polar n’est pas un tendre : il éclaire le lecteur tout en essayant de le perdre !
Créer des fausses pistes
Les fausses pistes, ou red herrings, sont un autre élément indispensable dans l’écriture d’un polar réussi. Elles détournent l’attention du véritable coupable et induisent en erreur le lecteur ainsi que les enquêteurs. Une bonne fausse piste doit être plausible, intrigante, mais sans être trop évidente. Ces fausses pistes ont déjà été en partie créées lors de la fabrication du meurtre et du meurtrier, lorsque vous vous êtes demandé « Comment faire pour qu’il ne se fasse pas prendre ? », vous avez déjà créé pas mal de red herrings !
Nous allons voir maintenant comment placer ces fausses pistes dans votre roman policier de manière efficace :
Impliquer des suspects convaincants
L’une des méthodes classiques pour créer une fausse piste est de diriger l’attention de l’enquêteur vers des suspects crédibles. Ces personnages doivent avoir des mobiles solides, des comportements ambigus, ou des secrets qui justifient leur implication dans le crime.
Cependant, ces suspects ne doivent pas être le véritable coupable, même si tout semble pointer vers eux :
Exemples :
- Le proche : Présenté comme quelqu’un de protecteur envers la victime, il est rapidement suspecté par le lecteur pour son comportement trop serviable et ses alibis douteux. Alors que tout semble l’incriminer, il s’avère qu’il ne cache qu’un secret personnel lié à un autre événement, et non au crime.
- Le suspect manipulé : on a tout manigancé pour qu’il se fasse désigner à la place du meurtrier, y compris de chercher à dissimuler sa culpabilité. Par exemple, un seul bout d’empreinte laissée, et un alibi douteux, mais bien là.
- L’intéressé : Avec un mobile financier évident et des comportements suspicieux, ce personnage est dépeint comme quelqu’un ayant tout à gagner de la mort de la victime.
Il sera même encore plus intéressant de faire semblant de les dissimuler, afin que les lecteurs de polar les plus chevronnés passent le roman, quasiment blasés, à parfaitement savoir qui a commis « en réalité, le crime.
Exemples :
- Un restaurateur du quartier : Les enquêteurs vont chez lui tout le temps, pour manger. Il est très présent, toujours souriant et serviable, il semble totalement déconnecté de l’intrigue. Sa présence discrète, mais constante, en arrière-plan des événements le rend presque invisible. À un moment donné, il dit même quelque chose d’un peu étrange. Les lecteurs expérimentés pensent que c’est précisément cette absence de connexion apparente qui le rend suspect. Cependant, il n’a rien à voir avec le meurtre.
- Le gentil maladroit : Étourdi, naïf, figure même de l’innocence un peu bête, il fait des commentaires qui paraissent inoffensifs mais que les lecteurs pourraient interpréter comme des indices cachés. Toutefois, il n’est coupable que de maladresse, pas de meurtre.
- L’enfant jaloux : Un enfant est mort et son frère est dépeint progressivement comme un peu moins gâté et jaloux de l’attention supérieure qui était portée à son frère. Le lecteur croira que le parent (principal suspect) a en réalité porté le chapeau pour son enfant. Alors qu’il s’agissait d’un tout autre coupable, parce que l’enfant avait été témoin de quelque chose, par exemple.
Jouer avec les préjugés des lecteurs
Les préjugés et stéréotypes, surtout liés à la lecture de romans policiers, peuvent servir à bâtir des fausses pistes. Par exemple, un individu qui se comporte de manière « trop parfaite » dissimulerait en réalité un coupable. Un homme gentil et serviable serait en réalité un pervers (vu et revu). Ou au contraire, un personnage odieux au point qu’on désire de toutes ses forces qu’il soit coupable. On peut tout à fait décider de punir un tel personnage (il lui arrive des choses non désirées…), mais en faire un coupable serait décevant !
Les relations personnelles sont des nids à préjugés. Les secrets familiaux, les rancunes anciennes, ou les triangles amoureux peuvent être des éléments qui détournent l’attention du véritable coupable. Si deux personnages semblent liés par une histoire d’amour cachée ou un conflit d’intérêt, cela peut devenir une fausse piste crédible pour l’enquêteur.
4. Comment écrire une intrigue secondaire dans un roman policier
Les intrigues secondaires jouent un rôle clé dans l’enrichissement d’un roman policier. Elles permettent d’approfondir les personnages, d’explorer des thématiques parallèles et de détendre le lecteur de moments trop intenses.
Il existe deux approches principales pour écrire des intrigues secondaires dans un polar : celles qui restent indépendantes de l’intrigue principale et celles qui finissent par se mêler à l’enquête principale.
A. L’intrigue secondaire de polar indépendante de l’affaire principale
Ici, l’intrigue secondaire sert à développer le personnage de l’enquêteur, en montrant ses proches par exemple, sans pour autant affecter directement l’enquête principale. Elle permet d’explorer d’autres aspects de l’univers créé, qui enrichissent le monde du roman, tout en restant distincte du crime central. Ce genre d’intrigue secondaire sera bienvenu dans les séries qui mettent en scène des personnages d’enquêteurs récurrents.
Développer les personnages à travers des intrigues personnelles
Une intrigue secondaire qui n’est pas liée à l’affaire principale peut se concentrer sur la vie privée de l’enquêteur. Cela peut révéler des facettes inattendues de sa personnalité, ses doutes ou ses luttes internes, ce qui rend le personnage plus attachant aux yeux du lecteur. Vous pouvez en profiter pour développer sa vie familiale, ses passions ou son défaut/sa faille.
Exemples :
- L’enquêteur pourrait être en train de traverser un divorce ou une relation amoureuse compliquée, ajoutant une touche de vulnérabilité à un personnage très compétent dans son enquête, par ailleurs.
- Un conflit familial, comme la gestion d’un parent malade ou une dispute avec un enfant, peut illustrer le côté émotionnel de l’enquêteur, contraste avec son attitude froide et méthodique lors de l’enquête.
- Comme nous l’avons vu dans le développement du protagoniste, l’enquêteur pourrait aussi nourrir une passion ou un passe-temps original, qui lui permet de se ressourcer en dehors des affaires policières, offrant des moments de légèreté et d’amusement dans un récit plein de tensions.
Explorer le contexte et l’univers
Vous avez créé un univers particulièrement fascinant dans lequel se déroule votre enquête ? Une intrigue secondaire peut également servir à enrichir cet univers, en explorant ses aspects sociaux, religieux, économiques, ou culturels. L’intrigue secondaire permettra alors de donner du réalisme au récit.
Exemples :
- Dans un gigantesque aéroport international où des milliers de voyageurs passent chaque jour, l’enquêteur tente de résoudre une autre affaire, une intrigue secondaire qui pourrait explorer un autre aspect de cet univers, une relation de travail, des conflits de salariés…
- Dans une région rurale, l’enquêteur est appelé pour enquêter sur une affaire criminelle lors de la plus grande foire agricole annuelle. L’intrigue secondaire pourrait explorer les rivalités entre les agriculteurs locaux et les grandes entreprises agricoles.
- L’intrigue se déroule dans un immeuble de coliving, avec un tas d’appareils connectés. L’intrigue secondaire pourrait suivre la tension croissante entre les résidents, montrant ce qui est présenté comme une manière de vivre moderne et économique est en réalité un enfer moderne.
- L’enquête se déroule sur une plateforme pétrolière en pleine mer, loin des côtes. L’intrigue secondaire pourrait montrer les difficultés de vie dans un tel milieu, avec potentiellement une catastrophe pétrolière.
B. L’intrigue secondaire qui finit par se mêler à l’affaire principale
Dans certains romans policiers, l’intrigue secondaire, qui semble d’abord indépendante de l’enquête principale, finit par être liée à cette dernière. Ce type de construction narrative permet de surprendre le lecteur en introduisant une connexion inattendue entre deux fils narratifs, souvent au moment du dénouement.
Voici 3 manières de mêler l’intrigue secondaire à l’affaire principale :
- La révélation progressive : Une intrigue secondaire peut paraître anodine ou déconnectée au début, mais au fur et à mesure que l’histoire avance, des indices révèlent qu’elle est en réalité liée au crime central.
- La résolution cachée : Dans ce cas, l’intrigue secondaire, bien que présentée au début comme une distraction ou une affaire déconnectée de l’histoire principale, finit par être l’indice clé qui va permettre de résoudre l’enquête. Ce n’est qu’en résolvant l’intrigue secondaire que l’enquêteur est capable de dénouer l’affaire principale.
- L’intrigue secondaire comme fausse piste : Une autre manière de lier une intrigue secondaire à l’affaire principale est de l’utiliser comme une fausse piste. L’enquêteur ou le lecteur pourrait croire que l’intrigue secondaire est la clé pour résoudre l’enquête principale, alors qu’elle ne fait que détourner l’attention.
Alors, prêt à écrire un roman policier ?
J’espère vous avoir apporté de bonnes (vraies) pistes pour écrire votre polar. 🙂
Oh, bien sûr, il existe encore de multiples manières d’écrire un roman policier, en imaginant ses propres règles. Comme par exemple, écrire un article de blog et puis à la fin, les lecteurs apprendraient la vérité : qu’un couple a décidé d’entamer de gros travaux de terrassement dans l’ancienne maison des Monroe et qu’on y a retrouvé ce matin les ossements du petit Richard et qu’ils dataient de 1987, année de sa supposée disparition, que l’homme retrouvé assassiné dans le salon, le 8 octobre 2022, s’appelait en réalité Fabrice Letellier, un ancien toxico que j’avais rencontré lors de mon séjour à l’hôpital et dont j’avais décidé de faire mon visage de romancier célèbre, en empruntant l’identité d’un petit disparu, dont plus personne ne se souciait. Que l’histoire avait fasciné les éditeurs, mais qu’après quinze années de bons et loyaux services, Fabrice avait décidé de vivre pour lui-même et de tout arrêter. Et que je l’avais tué, ne pouvant pas admettre, en tant que magicienne du crime, d’être ainsi démystifiée.
Je vous écrirai encore depuis ma cellule, ne vous inquiétez pas. Je vous expliquerai comment écrire une histoire d’amour, un autre manuscrit qu’on m’a laissé… À un de ces jours !
Sophie, la Contentologue, vous apprend à écrire et à vivre de vos écrits. Articles, livres, romans, pages de vente : découvrez comment rédiger et devenir un pro de la plume !
Génial ce « tuto »… Comme toujours ! 😀
Il ne s’agit pas de mon style de prédilection … Mais de petites touches appliquées à n’importe quel contexte (fantasy, romance, biographie, etc.) permettent d’ajouter du rythme et du suspens à n’importe quel récit.
A lire et à appliquer 😉
Merci beaucoup Delphine ! Oui, j’adore les polars, mais il y a souvent des intrigues avec d’excellents retournements de situation dans d’autres genres aussi, c’est vrai !