25 leçons essentielles pour apprendre à écrire avec la Poétique d’Aristote

Il y a 2400 ans, le tout premier théoricien d’écriture entreprenait de nous apprendre à écrire avec La Poétique. Tout cela ne nous rajeunit pas (en tant que monde civilisé). Mais, peut-on encore vraiment apprendre à écrire à partir d’un texte vieux de plus de 2 000 ans, à une époque où il semble qu’on maîtrise la narration mieux que jamais, devant fournir au public sa dose quotidienne de séries fascinantes, romans pleins de suspense, films et animations épiques ?
Et pourtant, si ses enseignements vous semblent lointains ou dépassés, détrompez-vous : ils résonnent encore aujourd’hui dans toutes les bonnes histoires que nous aimons lire ou écrire et en sont même la fondation. On va donc ensemble, apprendre à écrire avec Aristote, en retournant aux sources du savoir en matière de narration.
Vous l’avez lu il y a longtemps ? Vous ne l’avez pas lu ? Ne vous inquiétez pas, je suis là pour vous donner les clés de cet ouvrage fondateur et vous en extraire 25 leçons d’écriture pour apprendre à écrire, faciles à retenir.
Commençons par présenter cet ouvrage :
La Poétique d’Aristote, c’est le tout premier ouvrage de pédagogie d’écriture, qui vous apprenne à écrire et décortique l’art de raconter des histoires. Dans ce texte, notre vieux coach grec explore les mécanismes qui rendent une œuvre captivante, qu’il s’agisse de tragédies, d’épopées ou de comédies.
Il décortique des notions clés comme la structure narrative (la toute première, en 3 actes, c’est émouvant 🥲), le rôle des personnages, l’importance du muthos, et de la catharsis.
« Et si j’aime pas les mentos goût cassis ? », me demande Anne-Clotilde, qui est toujours vivante, malgré son cerveau atrophié.
Alors, Muthos, Anne-Clotilde, c’est l’intrigue : Aristote savait, 2400 ans avant les scénaristes hollywoodiens, de quelle manière le déroulement de l’intrigue allait produire la catharsis, c’est à dire des émotions (surtout la crainte et la pitié) sur les lecteurs, ces émotions étant purgées par l’identification avec le héros (exprimées, ressenties, donnant une image de nettoyage des émotions négatives prisonnières du coeur humain).
Alors pourquoi je parle d’Aristote aujourd’hui ? Eh bien, tout simplement parce qu’aujourd’hui, c’est son anniversaire ! Joyeux anniv Aristote !
Non, c’est faux, on ignore complètement sa date de naissance, mdr.
C’est tout simplement parce qu’il avait tout compris avant tout le monde ! Rendez-vous compte que ses conseils sont la base de ce qui fonctionne encore aujourd’hui dans les récits modernes, du polar au blockbuster hollywoodien, en passant par la nouvelle à chute ! Alors, il est plus que temps que nous lui rendions hommage sur ce blog.
Tous ensemble, remercions Aristote pour son génie.

Merci à Aristote et son énorme crâne de génie.
Dans cet article, on va dépoussiérer chaque chapitre de la Poétique pour en faire 25 leçons pratiques, concrètes, pour apprendre à écrire, à appliquer à vos propres textes. Au fond, cet article, c’est du savoir antique contentologisé.
Prêts à découvrir ce que Game of Thrones, les romans policiers et même Pixar doivent à Aristote ? Suivez le guide :
Leçon 1 : On est écrivain parce qu’on souhaite représenter la réalité à l’écrit
On n’est pas écrivain de roman OU écrivain de théâtre OU écrivain de poésie. On est écrivain et on a souvent des formes de prédilection. Mais ce n’est même obligatoire. Un peu coincé ? Libérez-vous de la niche restreinte où vous vous êtes peut-être perdus et explorez toutes les formes (genres poétiques disait Aristote). Il sera autant utile pour vous d’apprendre à écrire un roman, nouvelle, essai, théâtre, scénarios, poésies, comédies, sketches…
Tous ces genres sont des formes de représentation de la réalité à l’écrit. De là à dire qu’on est artiste, il n’y a qu’un pas. C’est que la représentation de la réalité par la peinture, la sculpture, la musique ou la danse ne se distingue de l’art écrit que par la forme qu’ils empruntent.
L’art, c’est la réalité passée par deux filtres sublimatoires : la personnalité/conscience humaine et la maîtrise d’un outil. C’est ainsi qu’on se transforme en poète : on raconte quelque chose qui est ou pourrait être, à notre manière.
Leçon 2 : Créer un personnage et le faire agir
Bieeeeen avant le Show don’t tell, Aristote nous explique que montrer des personnages caractérisés agissant est la base d’un récit. Il sépare la tragédie (le drame) de la comédie, par la qualité des personnages représentés. Dans la tragédie, ils sont meilleurs que nous, dans la comédie, ce sont des êtres plus vulgaires.
Aujourd’hui, de nombreux genres littéraires déclinent des gammes de personnages variés. Mais c’est toujours important de savoir si l’on crée un personnage admirable ou détestable, au destin extraordinaire ou à la vie banale, voire triviale. Souhaite-t-on les dépeindre tels qu’ils sont ou suivre un héros dans une aventure ?
Ensuite, on les fera agir pour montrer (prouver) ces différentes qualités.
Leçon 3 : Raconter ou montrer
Commençons déjà par rappeler ce qu’est le show don’t tell : (Montrer ne pas raconter). Il s’agit d’une technique narrative inventée par Tchekhov qui permet d’immerger le lecteur dans une scène, de manière cinématographique ou théâtrale, en lui montrant les actions, les effets produits par l’environnement, les pensées en direct du personnage…
Ce qui conduira progressivement à la technique du Point de vue interne immersif (Deep point of view). Plutôt que d’analyser depuis l’extérieur (le narrateur) ce qui est en train d’être fait, ou de décrire l’environnement, on essaiera de « prouver » ce qui est dit.
Exemple :
- Raconter : Il était courageux.
- Montrer : Il pénétra dans les flammes sans hésiter.
Aristote nous explique qu’il y a deux formes poétiques ; Le récit narratif, qui décrit les événements et l’action directe sur scène. Aujourd’hui, nous dirions le roman et le théâtre.
Cela peut vous paraître étrange qu’il fut nécessaire de différencier ces deux genres, tant ils nous semblent radicalement différents aujourd’hui. Mais il faut comprendre qu’à l’époque, on différenciait avant tout la tragédie de la comédie. Le mode de représentation n’était pas si important, car le récit narratif était lu au public de manière orale, les rouleaux de papyrus servant de support pour déclamer de longs textes (alors qu’à l’époque d’Homère, les Aèdes devaient tout apprendre par coeur et chantaient leurs épopées !)
Ces deux formes poétiques qu’Aristote différenciait se retrouvent aujourd’hui entremêlées dans la technique du Show don’t tell. Lorsque vous adoptez cette approche, vous permettez à votre lecteur de vivre une double expérience : celle de lire un texte littéraire tout en le percevant comme une scène visuelle immersive de théâtre ou de cinéma.
C’est comme si le lecteur devenait spectateur de ce qu’il lit. Et c’est bien là que réside tout l’enjeu de l’écriture actuelle : tenter de faire d’un livre un véritable écran mental, où les images jaillissent naturellement, sans jamais avoir besoin d’être expliquées.
Leçon 4 : Pour apprendre à écrire, imitez
Aristote explique que la poésie trouve son origine dans deux instincts naturels chez l’homme :
- L’instinct d’imitation : Les êtres humains, dès leur enfance, sont naturellement enclins à imiter, ce qui les distingue des autres animaux.
- Le plaisir éprouvé devant les imitations : Même les représentations de personnages ou situations désagréables peuvent procurer du plaisir, car elles permettent de comprendre et d’apprendre.
Deux leçons d’imitation à retenir ici :
1. Lorsque vous débutez l’écriture, vous pourriez à tort penser qu’il faille en premier trouver votre style, votre originalité, votre personnalité d’écrivain. Et si vous commenciez par essayer de faire comme, à la manière des anciens apprentis, en vous servant des grands maîtres pour vous guider ? Utilisez cet instinct naturel que vous possédez depuis l’enfance et recopiez des lignes de vos auteurs préférés, à la main.
Puis tentez d’écrire en vous immergeant dans une lecture audio d’un grand classique ou d’un auteur que vous chérissez. Écouter permet de mieux s’imprégner du style que de lire sur papier, même si vous avez une mémoire plus visuelle, qui elle, est plutôt destinée aux formes et aux couleurs. Dans mes audios d’autohypnose pour écrivains, il y a un audio où je lis plusieurs textes de grands auteurs, à écouter et réécouter.
2. Vous avez du mal à créer des personnages complètement inventés ? Commencez par utiliser des personnes que vous connaissez et utilisez des défauts, qualités et manière de parler de ces personnes pour vous inspirer. Et si vous avez des comptes à régler avec certaines d’entre elles, cela pourrait même être cathartique !
Leçon 5 : Comprendre la comédie pour apprendre à écrire
Aristote définit la comédie comme la représentation d’hommes inférieurs, mais dont les défauts n’entraînent ni souffrance ni mort.
Pour créer un personnage attachant, donnez-lui au moins un défaut qui ne fait pas souffrir les autres. Une personne peut à la fois être bourrée de défaut (humaine, avec laquelle on peut s’identifier) et innoffensive. Si ses défauts font souffrir quelqu’un, cela ne peut être que lui-même.
Aristote explique aussi que la comédie repose sur une intrigue avec un développement d’événements cohérents : c’est l’ancêtre du schéma narratif complexe. On prend un personnage et il lui arrive une histoire qui a un début, un milieu et une fin.
Quoi qu’au début la comédie était considérée comme un art inférieur (c’est toujours le cas aujourd’hui : Les Chtis de Dany Boon est considéré comme inférieur au Pianiste de Polanski), c’est pourtant cet art-là qui a généré les bases de la structure narrative utilisée par tous les scénaristes d’aujourd’hui.
Insérez votre personnage bourré de défaut dans une histoire structurée et cohérente, qui le challenge dans ses défauts et lui permet de se dépasser. C’est la base de Squid Game, par exemple.

Seong Gi-Hun, un personnage joueur, dépensier, menteur, irresponsable, qui va se dépasser et révéler ses qualités dans l’adversité.
Leçon 6 : Comprendre la tragédie pour apprendre à écrire
La tragédie vise, pour Aristote, à provoquer la catharsis. Petit test pour vérifiez si vous suivez toujours :
La catharsis, c’est :
- Un apéritif à base de vin blanc et de sirop
- La purification des émotions
- La chanteuse d’Opéra dans Tintin
Bravo ! (Je vous fais confiance pour avoir trouvé la bonne réponse).
Pour provoquer la catharsis, vous devez éveiller principalement deux sentiments chez votre lecteur : la pitié et la peur. La tragédie est très intense pour le lecteur, car il assiste à une histoire complète, par le biais d’actions. Vous suivez vos personnages par leur actions jusqu’au dénouement.
Cela conduira plus tard, au show don’t tell et bien-entendu, au point de vue interne immersif !
Aristote donne une définition formelle de la tragédie. Selon lui, la tragédie est la représentation d’une action grave et sérieuse, complète et d’une certaine étendue, dans un langage enrichi par le rythme et la mélodie, avec des acteurs qui incarnent directement les actions. La tragédie vise à éveiller la pitié et la peur afin de provoquer une catharsis (purification des émotions).
Il précise que la tragédie est avant tout une représentation d’une action, et non d’individus ou de caractères. Les actions sont les éléments centraux qui mènent les personnages au succès ou à l’échec.
La leçon à retenir : Veillez à faire agir vos personnages de manière à éveiller des sentiments forts tels que la peur, la pitié, la tristesse, la colère, le sentiment d’injustice… Il faut pour cela que vous montriez à vos lecteurs vos personnages en train d’agir, de prendre des décisions qui vont changer leur vie, de vivre des péripéties qui vont les éprouver…
Leçon 7 : Apprendre à écrire avec une structure narrative
Cela pourrait vous sembler étrange, mais il n’était pas évident pour tout le monde, avant qu’Aristote ne l’aborde, qu’une bonne intrigue était un tout construit de manière cohérente, avec un début, un milieu et une fin, liées de manière nécessaires et vraisemblables. Ce qu’il appelle : « l’unité ».
Pour Aristote, une bonne histoire doit être comme un être vivant : il doit posséder une taille et une structure harmonieuses, pour que le spectateur puisse la comprendre facilement tout en restant captivé.
Il pense que chaque événement doit découler logiquement du précédent : Comme Aristote, essayez de créer votre histoire en imaginant pour commencer uniquement 3 parties : un début, un milieu et une fin. Puis, procédez en divisant vos parties en sous-parties et, partie par partie, en imaginant ce qui pourrait se passer ensuite, et ensuite, et ensuite.
Leçon 8 : Écrire ce qui est nécessaire
Dans la leçon précédente, nous avons vu que chaque partie contribue à la totalité pour former un tout cohérent.
Aristote insiste sur l’importance de structurer les parties d’une intrigue de telle manière que si l’on retire ou modifie un élément, cela affecte l’ensemble de l’œuvre. C’est ce principe qui garantit une unité organique et une cohérence narrative.
Cela donnera plus tard la théorie du Fusil de Tchekhov : si un fusil apparaît dans l’Acte 1, il devra être utilisé plus tard dans la pièce. S’il aucun coup de feu n’est tiré, le fusil n’a pas à être là.

Ici, le fusil a intérêt à être utilisé, sinon il faut virer le décorateur 😀
Veillez non seulement à ce que tous vos éléments d’histoire soit nécessaire, mais cela peut même devenir un jeu : rajouter des éléments au début qui ont été utilisés à la fin.
Imaginons l’histoire d’un couple à la recherche de leur enfant qui a été kidnappé dans un parc. À la fin, vous décidez que c’est un homme qui s’était déguisé en vieille dame qui a kidnappé l’enfant. Il sera intéressant de placer au début cette vieille dame qui nourrit les pigeons sur un banc. En arrivant au parc, la mère ne voulait pas aller s’installer à côté de la dame, car il y avait beaucoup de pigeons autour d’elle, mais il n’y avait pas d’autre place et ont dû s’asseoir là. Vous parlerez des pigeons, peut-être même de la phobie des oiseaux de la mère… Ces éléments seront indispensables, car à la fin c’était bien la vieille dame aux pigeons la coupable. Et pendant toute l’histoire, vous pourrez même donner des cauchemars à la mère, avec des oiseaux qui enlèvent son fils, etc. Inconsciemment, elle avait perçu quelque chose d’étrange chez cette « vieille » !
Leçon 9 : Apprendre à écrire ce qui est possible, non ce qui est réel
Aristote distingue la poésie (lnous rappelons que le poète d’Aristote, c’est pour nous « l’écrivain de fiction ») de l’Histoire, par leurs rôles distincts :
- L’historien raconte l’histoire telle qu’elle est arrivée : c’est le réel.
- Le poète raconte l’histoire telle qu’elle pourrait arriver : c’est le possible.
Les écrivains racontent des histoires et montrent des actions universelles qui révèlent des vérités fondamentales sur l’humanité.
Essayez lorsque vous écrivez, de parler d’autre chose que des simples anecdotes : veillez à ce que l’ensemble de l’histoire dise quelque chose de plus profond que simplement ce qui se passe en surface. Cela s’appelle « le thème », en narratologie.
Par exemple, le thème du Seigneur des Anneaux, c’est « Le pouvoir corrompt » et il fera agir ses personnages face au thème : comment, selon leur race, leur caractère ou leur histoire personnelle, réagiront ces personnages face à un élément qui donne le pouvoir à celui qui le possède ?

Les êtres faibles se montrent faibles face au pouvoir, sans surprise.
Leçon 10 : Apprendre à écrire de bonnes chutes
Aristote différencie les intrigues simples des intrigues complexes en fonction de la manière dont l’intrigue se déroule.
L’intrigue simple suit un personnage en voyage, qui peut perdre ou gagner, mais qui se déroule de manière linéaire.
L’intrigue complexe connaît des péripéties, revirements de situation, et une reconnaissance (anagnorisis), ce qui renforce l’impact dramatique.
Ici, nous allons nous concentrer sur cette notion : La reconnaissance (anagnorisis).
Il s’agit d’un passage pour un personnage important, souvent le protagoniste, de l’ignorance à la connaissance, souvent liée à l’identité des personnages ou à leurs relations.
Par exemple, quand Œdipe découvre qu’il a tué son père et épousé sa mère.
Pour Aristote, les intrigues complexes sont évidemment plus satisfaisantes et produisent un effet plus puissant, car elles utilisent la nécessité et la vraisemblance pour surprendre le lecteur et lui donner l’impression que les événements se déroulent naturellement.
D’où l’importance d’apprendre à écrire une bonne chute pour vos histoires ! Le retournement de situation final est particulièrement satisfaisant pour le lecteur.
Exemples : Il n’était pas celui qu’on croyait, En fait il n’était pas mort…
Leçon 11 : Lier les péripéties à la reconnaissance
Revenons sur nos deux éléments indispensables de l’intrigue complexe : pour Aristote, la péripétie est un revirement de situation qui va amener le personnage à la reconnaissance (comprendre la vérité).
Selon Aristote, il faut toujours lier la péripétie à la reconnaissance pour créer un effet dramatique puissant.
Aujourd’hui, nous parlons plutôt des péripéties, au pluriel, c’est-à-dire, tous les éléments qui surviennent après l’élément déclencheur, l’aventure propre ou la quête du protagoniste.
Ces péripéties doivent connaître de nombreux revirements de situation, afin que le lecteur soit régulièrement surpris et que la tension monte à son maximum, avant que le revirement final (climax), nous conduise à un affrontement avec celui qui se révèle être celui qu’on croyait autre. La reconnaissance finale, la compréhension de qui était qui et pourquoi ces personnages ont agi ainsi, conduit à un dénouement très satisfaisant pour le lecteur.
Veillez à ce que l’enchaînement de vos péripéties conduisent naturellement à votre twist final. Pour cela, il faut essayer d’imaginer d’abord la fin ! C’est seulement ensuite que vous construirez un récit de ce qui a pu se passer pour que ça se termine ainsi.
N’est-il pas, par ailleurs, plus amusant d’imaginer des twists et de réfléchir à la manière de les dissimuler à son lecteur ? C’est un peu comme faire un tour de magie !
Leçon 12 : Apprendre à écrire avec les éléments de la tragédie
La tragédie antique était divisée en sections distinctes. Il y a 6 éléments fondamentaux qui contribuent à son efficacité dramatique :
- Le prologue : La partie qui précède l’entrée du chœur. Elle expose souvent les événements antérieurs ou le contexte de l’action.
- Le parodos : Le premier chant du chœur après son entrée en scène, qui donne souvent des informations essentielles ou exprime une réaction initiale.
- Les épisodes : Les scènes où les personnages dialoguent et agissent entre les interventions du chœur.
- Les stasima : Les chants du chœur, exécutés sans mouvement scénique, qui offrent des réflexions, commentaires ou réactions aux événements.
- L’exodos : La conclusion de la tragédie, marquant la fin de l’action principale, souvent accompagnée d’une morale ou d’une résolution.
- Le thrène (ou kommos) : Une lamentation partagée entre les personnages et le chœur, utilisée dans certaines tragédies pour accentuer les émotions.
Évidemment, nous allons nous inspirer de ces 6 éléments pour voir comment les intégrer à un récit à fort effet dramatique (et cathartique) :
- Le prologue : toujours passionnant d’avoir un prologue dans un roman. Une histoire ancienne est racontée qu’on ne va pas forcément relier à quelqu’un de précis dans l’histoire qui suivra. Ou alors, un élément du passé du protagoniste pour qu’on le comprenne mieux.
- Le parodos : C’est la situation initiale. Vous montrez votre protagoniste dans sa vie quotidienne (qu’elle soit extraordinaire, comme un sorcier, ou ordinaire). Il y est même inclus « la réaction initiale », qui est notre élément déclencheur : quelque chose survient qui va amener le protagoniste à prendre une décision et vivre une aventure.
- Les épisodes : Ce sont bien évidemment les péripéties, l’aventure en elle-même. Vous pouvez, selon le point de vue que vous aurez choisi, les entrecouper de scènes vécues par d’autres personnages, d’extraits de journaux intimes…
- Les stasima : Les commentaires et réflexions sont des aphorismes, à intégrer tout au long du récit. Vous écrivez vos actions, vos dialogues et y insérez subtilement votre pensée. Exemple : « Toute réussite nous attire un ennemi. C’est la médiocrité qui entraîne la popularité. » (Oscar Wilde). « Les gens ne sont pas indifférents à l’extrême beauté : ils la détestent très consciemment. Le très laid suscite parfois un peu de compassion ; le très beau irrite sans pitié. La clef du succès réside dans la vague joliesse qui ne dérange personne. » (Amélie Nothomb)
- L’exodos : C’est le climax (affrontement final et résolution), qui conduit à fermer votre arc narratif. Cela peut se finir bien ou mal.
- Le thrène (ou kommos) : Ce genre de partie est parfaite pour des romans longs ou en plusieurs parties. Un personnage important meurt et on pleure sa disparition. Une cérémonie funèbre, un hommage… Exemple : Dans Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé, la scène des funérailles de Dumbledore réunit de nombreux personnages dans un moment de recueillement collectif. Cela peut aussi être une réflexion méditative de l’auteur, ou encore des souvenirs partagés de différents personnages.
Leçon 13 : Le héros tragique idéal
Aristote explore les qualités nécessaires des personnages tragiques (aujourd’hui, nous dirions d’un bon protagoniste ou héros) :
La tragédie ne doit ni représenter des personnages parfaits, ni totalement mauvais :
- Les personnages parfaitement bons qui tombent dans le malheur ne suscitent pas de pitié, car cela paraît injuste.
- Les personnages complètement mauvais qui prospèrent ou échouent ne provoquent ni pitié ni peur, car ils ne sont pas dignes d’intérêt.
Le héros tragique idéal est un individu intermédiaire : il n’est ni totalement vertueux ni vicieux, mais il tombe dans le malheur à cause d’une erreur ou d’un manque de jugement (hamartia) : non à cause d’une perversité.
Construisez vos personnages en veillant à respecter cela, car c’est la règle qui prévaut toujours : votre personnage ne doit pas être lisse, afin que le lecteur ne le trouve ni ennuyeux, ni ne trouve que ce qui lui arrive est incohérent.
Comme je vous l’ai dit dans la leçon 5 sur apprendre à écrire avec la comédie, je vous encourage à trouver un défaut (ou plusieurs !) à votre personnage qui ne fasse pas souffrir les autres, mais lui-même. Cela le conduira à commettre des erreurs et sollicitera la bienveillance du lecteur.
Leçon 14 : Créer des émotions fortes chez le lecteur
Aristote désirait créer avant tout des émotions de peur et de pitié, et observait deux approches pour les provoquer :
- Par la construction des faits :
Les événements de l’intrigue doivent être organisés pour surprendre le lecteur tout en restant vraisemblables et nécessaires (cohérence, unicité). Les actions terribles ou déchirantes, telles que les meurtres ou les conflits familiaux, doivent émerger de la logique interne de l’intrigue, pas arriver comme un cheveu sur la soupe (deus ex machina). C’est une forme de déterminisme : ceci arrive parce que cela est arrivé.
Exemple : Médée a tué ses enfants, pour se venger de Jason qui l’a quittée après l’avoir utilisée pour trouver la Toison d’or. Médée avait trahi son propre père pour lui permettre de l’obtenir. Jason est parti en quête de la Toison d’or, parce que Pélias, son oncle, le lui avait ordonné pour se débarrasser de lui, ayant usurpé le trône de son propre frère, père de Jason. Doit-on préciser que Pélias avait lui-même un passé terrible ? - Les situations tragiques les plus puissantes :
Les actes terribles entre membres d’une même famille (fratricide, parricide, etc.) sont particulièrement efficaces, car ils combinent l’horreur et l’intensité émotionnelle. Ces actions peuvent se dérouler selon trois modalités :
- En pleine connaissance de cause (moins tragique, car cela peut être révoltant).
- Par ignorance, suivie d’une reconnaissance (plus tragique, car cela ajoute un élément de surprise).
- Avec une reconnaissance juste avant l’acte (le plus tragique et le plus complexe).
Si vous devez tuer quelqu’un à un moment de votre histoire, que ce soit dissimulé, comme dans un polar, ou que ce soit connu du lecteur, comme dans un drame, thriller, fantastique ou fantasy, etc., veillez à ce qu’il y ait des motifs puissants et que les éléments s’enchaînent de manière cohérente pour mener à cette mort.
Vous aurez ensuite le choix de provoquer la mort soit de manière frontale : je recommande cette manière pour le protagoniste uniquement lors de l’affrontement final, soit sans le savoir, que ce soit pour le protagoniste en début ou dans son passé, pour le meurtrier d’un roman policier qui essaye ensuite de le dissimuler, soit dans un retournement de situation avec reconnaissance : la vérité surgit soit juste avant la mort, soit juste après.
Leçon 15 : Les caractéristiques de vos personnages
Aristote analyse les caractéristiques des personnages dans une tragédie et expose quatre qualités fondamentales qu’ils doivent posséder pour être convaincants et efficaces :
- La vertu : Les personnages doivent être moralement bons et vertueux dans leurs décisions et actions.
- L’appropriation : Ses qualités doivent être adaptées à sa nature. Un magicien aura des qualités liées à ses capacités magiques. Une mère aura des qualités liées à sa maternité. Un policier aura des qualités liées à son métier, etc.
- La ressemblance : Les personnages doivent être vraisemblables et crédibles, reflétant des comportements humains authentiques, même lorsqu’ils sont fictifs.
- La constance : Les personnages doivent maintenir une cohérence interne tout au long de l’histoire. Si un personnage est instable par nature, cette inconstance doit elle-même être cohérente dans sa représentation (une personne lunatique, comme Hamlet, par exemple).
Aristote souligne également l’importance de la nécessité et de la vraisemblance dans le développement des caractères. Les actions des personnages doivent découler naturellement de leur personnalité et des situations auxquelles ils sont confrontés. Et l’intrigue découlera naturellement de ces actions.
À retenir : les caractéristiques des personnages entraînent des actions qui forment une intrigue.
Leçon 16 : Apprendre à écrire vos twists avec l’anagnorisis (reconnaissance)
Aristote définit la reconnaissance (anagnorisis) comme le passage de l’ignorance à la connaissance, un élément crucial des intrigues complexes. Il s’agit d’un effet dramatique utilisé depuis des siècles et encore aujourd’hui, avec les fameux « twist endings », dans les films mindfucks, en passant par les romans policiers et toute oeuvre utilisant le principe du retournement de situation final.
Il distingue plusieurs types de reconnaissance :
1. Reconnaissance par des signes :
- Innés, comme une cicatrice ou une marque de naissance (par exemple, la cicatrice d’Ulysse dans l’Odyssée).
- Acquis, comme des objets (bijoux, armes) qui servent à identifier un personnage.
Dans un roman, des indices délivrés subtilement par ces signes physiques ou externes, révèlent au protagoniste la vérité sur la nature d’une personne.
2. Reconnaissance déclarée :
Dans ce cas, les personnages se reconnaissent par une déclaration explicite, souvent artificielle, comme lorsqu’un personnage annonce son identité. C’est un renversement beaucoup utilisé dans le thriller ou le roman d’aventures, mais le moins subtile : l’antagoniste ou un proche, vient de lui même déclarer au protagoniste ou un autre personnage important qui il est.
Devinette : Le plus célèbre de ces retournements est sans aucun doute :
- Ghislaine, je suis ta cousine germaine
- Luc, je suis ton père
- Valérie, je suis ton grand oncle par alliance
3. Reconnaissance par le souvenir :
La vue d’un objet ou d’un lieu déclenche un souvenir chez un personnage, menant à la reconnaissance. Par exemple, un tableau ou une chanson peuvent raviver la mémoire.
C’est un effet utilisé dans The Sinner, de Petra Hammesfahr, où une mère de famille tuera et comprendra la vérité par des souvenirs.
4. Reconnaissance par déduction :
Les personnages infèrent leur identité ou leur lien à partir de faits observés. Ce type est plus subtil et souvent plus artistique, car il repose sur la vraisemblance et la nécessité. C’est le type de reconnaissance qui est le plus utilisé dans les romans policiers, puisque l’enquêteur analyse les preuves et déduit la vérité par son observation.
5. Reconnaissance par les faits eux-mêmes :
C’est, selon Aristote, le type le plus efficace et artistique, parce que le plus cohérent (nous pourrions dire qu’Aristote était un cohérençophile). La reconnaissance découle directement de l’enchaînement des événements, sans recourir à des artifices.
Ce type de reconnaissance est utilisé dans de nombreux romans classiques ou célèbres, comme Madame Bovary, Cyrano de Bergerac, Le roi Lear, Orgueil et préjugés, Le Petit Prince, L’Alchimiste…
Leçon 17 : Visualiser et construire votre récit
Aristote donne deux conseils pratiques aux poètes pour apprendre à écrire des intrigues efficaces et cohérentes : Il insiste sur l’importance de la visualisation et de la structuration méthodique.
- Visualisation des faits :
Le poète doit s’efforcer d’imaginer les événements de manière vivante et détaillée, comme s’il les voyait se dérouler devant ses yeux. Cette méthode aide à éviter les incohérences et à rendre les actions des personnages plus crédibles. Aristote souligne que les poètes capables de ressentir les émotions qu’ils décrivent réussissent à les transmettre de manière plus convaincante. - Construction de l’intrigue :
Aristote propose une approche en deux étapes :
- Commencer par un cadre général, une sorte de résumé des événements principaux.
- Ajouter ensuite des épisodes pour développer les détails et enrichir l’intrigue. Ces épisodes doivent être organiquement liés à l’action principale, sans alourdir l’ensemble.
Je conseillerais aux auteurs de procéder dans ce sens :
- Commencez par élaborer rapidement votre intrigue et si possible, votre fin. Vous pourrez créer une intrigue facilement avec ma mini-formation : Le high-concept.
- Structurez votre roman en 5 parties que je détaille dans mon article Comment écrire un roman et dans ma mini-formation : La méthode des 8 piliers.
- Remplissez vos différentes parties avec un résumé ou si vous vous sentez à l’aise, partez dans l’écriture en un seul jet (sans vous relire, afin de resté plongé dans l’histoire, vous vous corrigerez plus tard).
- Visualisez vos scènes et suivez vos personnages dans votre imagination, afin de rendre ce que vous voyez, voire même avec le point de vue immersif, ce que votre personnage voit.
Leçon 18 : Apprendre à écrire votre climax et votre dénouement
Dans ce chapitre, Aristote examine les concepts de nœud et de dénouement dans la tragédie (je rappelle, pour ceux qui ne suivent pas, que tragédie pour Aristote doit être compris comme « livre », « roman » ou « nouvelle » pour nous).
Ces éléments structurent l’intrigue en deux grandes phases :
- Le nœud :
Partie qui précède le changement de fortune du personnage principal. C’est la partie où les tensions et les conflits se développent jusqu’à atteindre un point culminant. Dans la narratologie moderne, nous appelons cela Climax. Il s’agit en général du moment où le protagoniste affronte l’antagoniste dans un ultime combat. - Le dénouement :
Commence après le nœud et s’étend jusqu’à la conclusion, où l’intrigue est résolue. C’est la phase où les conséquences des actions précédentes se déroulent. Dans ce dénouement, il faut fermer tous les arcs narratifs et satisfaire toutes les promesses faites durant le récit. Pour cela, assurez-vous en relisant votre roman que chaque personnage a la conclusion qu’il mérite et que chaque situation problématique ou incomplète est résolue de manière satisfaisante. À moins que ce ne soit voulu, soyez moral (et j’insiste, il faut qu’il y ait une bonne raison de ne pas l’être). Les fins satisfaisantes ne doivent pas faire ressentir d’injustice au lecteur.
Leçon 19 : Apprendre à écrire vos dialogues avec le raisonnement et l’expression
Aristote traite ici de deux éléments essentiels de la tragédie : le raisonnement et l’expression, qui contribuent à la construction des faits et à la transmission des idées.
Ici, bien entendu, il s’agit de pièce de théâtre, donc le dialogue prend toute la place. Je vais donc adapter ce qui est adaptable pour vos dialogues de roman :
1. Le raisonnement :
Le raisonnement est la capacité d’un personnage à argumenter, persuader ou exprimer des maximes générales. C’est un élément central pour :
-
- Démontrer et réfuter des idées.
- Susciter des émotions chez le spectateur, comme la peur, la pitié ou la colère.
- Amplifier ou atténuer certains aspects des faits pour renforcer leur impact.
Dans vos dialogues, votre protagoniste doit maîtriser quelque peu la rhétorique (l’art de convaincre). Surtout s’il a affaire à d’autres personnages, antagoniste, etc. qu’il peut affronter sur le terrain des idées. N’oubliez pas que vos personnages peuvent aussi manipuler les autres, pour obtenir quelque chose ou pour se protéger.
2. L’expression :
L’expression concerne le choix et l’agencement des mots dans le dialogue. Aristote distingue :
-
- Les différentes formes de discours (ordres, questions, déclarations, etc.).
- La manière dont les mots doivent être adaptés au ton de la scène et au caractère du personnage.
Il critique les fautes d’expression qui dénotent un manque d’harmonie entre le discours et l’action, ce qu’il appelle » incohérences stylistiques ».
Veillez à bien faire correspondre les paroles de vos personnages à leur personnalité, mais aussi au contexte et au rapport qu’ils entretiennent avec les autres.
Un coeur humain s’émeut vite, mais les comportements dépendent du caractère. Imaginons deux personnes furieuses. L’une est timide et réservée, l’autre est expansive et emphatique. Elles ne pourront pas s’exprimer de la même manière.
Leçon 20 : Apprendre à écrire correctement la langue française
Ici, Aristote discute des éléments constitutifs de l’expression linguistique. Il insiste sur l’importance de choisir des mots appropriés et de structurer les phrases de manière cohérente pour servir l’intrigue et transmettre les émotions souhaitées. Le récit doit à la fois respecter les règles de la langue et s’adapter aux besoins spécifiques du style poétique, pour produire un effet esthétique et émotionnel.
Voici un résumé des points principaux traités par Aristote et et que j’ai adaptés pour vous à la langue française moderne :
1. Les Lettres :
Pour obtenir une prose avec une sonorité agréable, jouez avec les allitérations (répétitions des consonnes) et les assonances (répétitions des voyelles). Essayez aussi d’éviter trop de consonnes non-voisées (on utilise pas la voix pour les prononcer : p,k,q,t…) et augmentez le nombre de consonnes voisées (v, z, m, n, l…).
Exemple : Les grands vignerons bordelais qui plantent des vignes sur les coteaux vallonnés de la Gironde nous offrent des vins rouges denses et veloutés, glorifiant nos repas de fêtes.
2. Les Syllabes :
Les syllabes sont les blocs de base des mots. En français, le rythme est souvent dicté par la longueur et l’accentuation des syllabes. Variez le rythme de vos phrases en enchaînant des mots de longueur variable. Évidemment, cela est compliqué à faire au moment du premier jet, mais lorsque vous vous relirez, veillez à ce que votre texte ne soit ni trop alourdis par des phrases dont les mots sont majoritairement longs, ou au contraire, trop abrupte, avec un enchaînement de mots courts.
Exemple :
Trop long : Les magnifiques paysages des montagnes pyrénéennes, avec leurs majestueuses forêts de conifères et leurs impressionnants lacs d’altitude, offrent une inoubliable expérience de contemplation pour les amateurs de randonnées aventureuses et de découvertes insoupçonnées.
Trop court : Les beaux monts, avec des bois et des lacs hauts, donnent un grand moment de vue pour ceux qui aiment marcher et trouver des coins cachés.
Idéal : Les magnifiques Pyrénées, avec leurs forêts de conifères et leurs lacs d’altitude, offrent une expérience inoubliable pour ceux qui adorent les randonnées et les découvertes secrètes.
3. Les Particules de Liaison :
Des mots comme « et », « mais », « ou » sont essentiels pour relier des idées. Ils changent le rythme et l’importance des phrases. Veillez à utiliser souvent ces particules et à les varier.
Voici une liste de conjonctions :
Coordonnantes :
- et
- mais
- ou
- ni
- car
- donc
- or
- puis
Subordonnées :
- que
- quand
- comme
- si
- puisque
- parce que
- afin que
- bien que
- dès que
- pour que
- quoique
- sans que
- tandis que
- alors que
- à condition que
- à moins que
- afin que
- pourvu que
- supposé que
Corrélatives :
- soit… soit
- non seulement… mais aussi
- ni… ni
Locutions adverbiales :
- à la rigueur
- à propos
- à tout prix
- au contraire
- au fond
- au moins
- autant dire
- bien entendu
- bien sûr
- c’est-à-dire
- d’ailleurs de fait
- de plus
- en attendant
- en bref
- en conclusion
- en effet
- en général
- en outre
- en particulier
- en réalité
- en somme
- finalement
- malheureusement
- par ailleurs
- par chance
- par conséquent
- par contre
- par exemple
- par hasard
- sans doute
- tout compte fait
- tout d’abord
4. Les Prépositions :
Les prépositions placent nos mots dans le temps et l’espace, changeant le sens de nos phrases (« Je suis dans la maison » vs. « Je suis hors de la maison »).
Voici une liste de prépositions :
- à
- au
- aux
- avec
- chez
- contre
- dans
- de
- du
- des
- depuis
- devant
- durant
- entre
- jusqu’à
- loin de
- malgré
- par
- parmi
- pour
- sans
- selon
- sous
- sur
- vers
- via
Les expressions prépositionnelles :
- à cause de
- à côté de
- à l’intérieur de
- à l’extérieur de
- au bord de
- au cours de
- au lieu de
- à partir de
- à propos de
- au sujet de
- en dehors de
- en face de
- en haut de
- en bas de
- en fonction de
- en raison de
- grâce à
- jusqu’à
- loin de
- malgré
- par rapport à
- près de
- sauf
- selon
- vers le haut de
- vers le bas de
- à travers
- au-delà de
- à la place de
- à l’exception de
- en dépit de
- au milieu de
5. Les Noms et Verbes :
Les noms nous donnent des images ou des concepts, les verbes animent ces images. Les noms sont statiques, les verbes dynamiques.
Au niveau des verbes, essayez d’employer un maximum de verbes d’action et un minimum de verbes d’état « être » ou « avoir ».
Exemple : Il est content parce qu’il a beaucoup d’amis. > Il rayonne de bonheur car il rassemble une multitude d’amis autour de lui.
Au niveau des noms, soyez extrêmement précis. La visualisation des éléments est primordiale pour le lecteur. Veillez à ne pas être trop flou ou généraliste.
Exemple : Il avait acheté un tableau au marché. > Il avait acquis pour dix euros aux puces de Saint-Ouen une huile d’Eilshemius représentant une femme se baignant dans un lac gris.
6. La Flexion :
La flexion nous permet d’adapter nos mots au contexte (genre, nombre, temps, mode). En vous relisant, tentez de modifier ces différents aspects pour obtenir de meilleurs effets.
Exemple : La forêt enchantée exhale un parfum envoûtant. > Les bois enchantés exhalaient un parfum envoûtant.
Leçon 21 : Les classes de mots
Aristote explore les classes de mots et les procédés linguistiques spécifiques au style poétique. Il s’intéresse aux différentes catégories de mots, leurs usages et leur rôle dans l’expression tragique.
Aristote divise les mots en plusieurs catégories :
-
- Les mots simples : Ceux qui ne sont pas composés, comme « terre ».
- Les mots doubles : Composés de deux parties, qui peuvent être signifiantes ou non individuellement. Exemple : Porte-Manteau.
- Les mots rares : Utilisés dans un contexte spécifique ou par des populations particulières. Ce qui est rare pour un groupe peut être courant pour un autre. Exemple : Pétrichore, Glabelle, Escarboucle, Abatture… Ils doivent être employés avec modération. Une surabondance de termes inhabituels risque de rendre le texte obscur.
- Les mots inventés : Créés par les poètes pour des besoins stylistiques ou narratifs. Exemple : Novlangue (1984), Pianocktail (L’Écume des jours).
Ces mots seront utilisés à bon escient grâce à ces différents éléments :
- La métaphore :
Aristote accorde une importance particulière à la métaphore, qu’il considère comme un signe d’ingéniosité. La métaphore bien utilisée peut rendre une expression plus claire, plus frappante ou plus poétique. Exemple : Être dans la lune.
Apprendre à écrire une métaphore : Commencez d’abord par une comparaison. Exemple : Le bateau tangue comme un bébé que l’on berce. Ensuite, transformez cette comparaison en une métaphore : Le bateau bercé par la houle. - L’ornementation linguistique :
L’art poétique utilise des procédés stylistiques pour embellir le langage. Ces ornements peuvent inclure des figures de style, des jeux sur les mots ou des variations dans la structure des phrases. Exemple : Le vent souffle dans les arbres > Sous l’éther frémissant, le vent, comme un artiste vagabond, peint des murmures dans la voûte des ramées.
Explication : Sous l’éther (image) frémissant (personnification), le vent, comme un artiste vagabond (comparaison), peint (métaphore) des murmures (allitération avec ramée) dans la voûte des ramées (mot rare). - Adaptation et harmonie :
Tous ces éléments doivent être utilisés en harmonie avec le ton et le contenu de l’œuvre. Une mauvaise utilisation des mots peut rendre le discours confus ou inapproprié. Si vous écrivez un thriller palpitant, vous mettrez l’accent sur le rythme et la sonorité, des figures de style simples, comme des comparaisons ou métaphores, mais peu de mots rares.
Leçon 22 : Apprendre à écrire avec style
Aristote examine les qualités du style poétique, en mettant l’accent sur la clarté et l’élégance du langage, essentielles pour captiver le spectateur et transmettre efficacement le message de la tragédie.
- Les qualités du style :
- Clarté : Les mots et phrases doivent être compréhensibles sans effort. Il faut donc que vous compreniez bien ce que vous êtes en train d’écrire. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement (Boileau), Le mauvais style est une pensée imparfaite (Jules Renard).
- Élégance : L’usage du langage doit être noble, adapté au genre tragique, et éviter les expressions triviales ou vulgaires. Sans pousser vers le langage châtié, sauf si vous le maîtrisez et êtes habitué à ce langage, vous veillerez à utiliser des mots précis et adaptés et à construire des phrases grammaticalement correct. À moins que vos personnages ne soient issus de classes très basses et que vous souhaitiez le mettre en avant, ils s’exprimeront correctement, et on évitera au maximum les grossièretés.
- Les variations de style :
Aristote recommande de varier le langage en fonction du sujet et de l’effet recherché. Par exemple :
- Utiliser un langage simple pour exprimer des idées claires et directes. Dans vos scènes d’actions ou vos dialogues conflictuels par exemple.
- Introduire des ornements linguistiques comme les métaphores ou les figures de style pour ajouter de la profondeur ou de l’émotion. Dans des scènes de descriptions, plus contemplatives, entre deux scènes d’actions ou dialogues.
Leçon 23 : Créateur de mondes ou de personnages ?
Dans ce chapitre, Aristote examine l’épopée, en la comparant à la tragédie, et en mettant en lumière leurs spécificités. Bien qu’elles partagent certains éléments, la tragédie et l’épopée diffèrent par leur forme, leur portée et leur impact.
Ici, je vais utiliser ce chapitre pour vous permettre un peu d’introspection quant à votre manière d’écrire, car pour apprendre à écrire, il vaut mieux savoir ce que l’on a l’intention d’écrire, n’est-ce pas ? L’épopée s’étend sur la durée, tandis que la tragédie est un récit unique. Nous le comparerons donc à une saga et à un roman unique.
Êtes-vous un écrivain de sagas ou de romans ?
Sagas : Lorsque vous écrivez une saga, vous élaborez tout un univers. Vous vous comportez en architecte, en vous concentrant sur les spécificités de ce monde et à leurs peuples. C’est une vision plus distante. Cette manière de faire permet de plus grandes libertés stylistiques, des digressions, un rythme plus lent. Dans ce type d’écrits, en général, l’oeuvre d’une vie, on est plus dans le « Raconter » que dans le « Montrer ». Les personnages sont plus héroïques et on va travailler leur personnalité plutôt sur des archétypes fondamentaux.
Romans : L’écrivain de romans, lui, se concentre d’avantage sur les personnages. Il va se comporter plutôt comme un psychologue. Le rythme devra être soutenu, les actions nombreuses. On visera le page turner, avec un scénario accrocheur, des personnages avec des caractéristiques fascinantes que l’on suivra de près, en étant dans leur tête. On doit utiliser le Show don’t tell et travailler la cohérence du récit, ainsi que sa structure.
Leçon 24 : Apprendre à écrire une bonne saga
Aristote poursuit son analyse de l’épopée, en expliquant les qualités d’écriture que les poètes épiques (écrivains de saga pour nous, suivez un peu !) doivent observer :
Les qualités essentielles d’une bonne saga :
Unité de l’action : La saga doit représenter une action unique et cohérente. Les événements doivent être liés par la vraisemblance ou la nécessité. Aristote critique les poètes qui introduisent trop de digressions ou d’épisodes inutiles. Par exemple, dans Game of Thrones, tout le monde se bat pour obtenir le Trône de Fer et régner sur l’ensemble des terres. Certes, il y a de nombreux personnages, d’histoires et de familles, mais tout est réuni et cohérent autour d’un but.
Éviter le chaos narratif : Les intrigues multiples ou mal agencées affaiblissent l’impact de l’œuvre. L’histoire principale doit rester claire et dominer le récit. Par intrigues multiples, il ne faut pas entendre intrigues secondaires liées à l’oeuvre, mais bien non-liées à l’oeuvre. Et effectivement, si vous racontez trop d’histoires qui ne sont pas nécessaires pour soutenir la colonne vertébrale de l’oeuvre, vous risquez de créer de la confusion dans l’esprit de votre lecteur. Contrairement au roman, la saga peut explorer des récits plus vastes et plus variés, sans être limitée par les contraintes de la représentation scénique. Cependant, cette liberté doit être exercée avec soin pour éviter la dispersion.
Aristote reproche à certains écrivains d’inclure des épisodes purement décoratifs ou des détails inutiles qui n’ajoutent rien à l’intrigue principale. Il insiste sur l’importance de la pertinence dans la sélection des événements narrés.
Leçon 25 : Critiques adressées aux écrivains par Aristote
Aristote examine les critiques adressées aux écrivains, ainsi que les critères pour évaluer leurs œuvres. Il propose des solutions pour répondre aux reproches courants :
Les principales objections concernent :
-
- Les incohérences dans l’intrigue ou les personnages.
- Les éléments invraisemblables qui nuisent à la crédibilité de l’œuvre.
- Les écarts par rapport à la tradition historique ou mythologique.
Réponses aux critiques :
Aristote recommande de considérer chaque cas dans son contexte :
-
- Si un élément semble invraisemblable, mais nécessaire pour l’intrigue, il peut être accepté s’il est bien intégré.
- Les divergences avec l’histoire ou les mythes sont admissibles si elles servent un objectif dramatique ou poétique supérieur. (Ici, nous pouvons comparer cet aspect avec des incohérences historiques.)
- Certaines incohérences perçues peuvent être le résultat d’une lecture ou d’une compréhension incorrecte de l’œuvre (Trop facile, mdr !)
L’importance de la vraisemblance et de la nécessité :
Aristote rappelle que, même si le récit peut s’éloigner de la réalité, elle doit rester vraisemblable. La vraisemblance n’est pas synonyme de vérité, mais signifie que les événements doivent sembler possibles dans le cadre de l’histoire. N’oublions pas le phénomène de la suspension consentie d’incrédulité, qui permet à l’auteur de s’autoriser des choses « impossibles mais plausibles » dans le contexte.
Apprendre à écrire avec Aristote, c’est possible !
Avez-vous apprécié l’article 25 leçons essentielles pour apprendre à écrire avec la Poétique d’Aristote ?

Sophie, la Contentologue, vous apprend à écrire et à vivre de vos écrits. Articles, livres, romans, pages de vente : découvrez comment rédiger et devenir un pro de la plume !
Franchement, ces articles sont super ! Plus tard, je serai romancière et je remercierai Sophie Contentologue pour son aide…
Merci beaucoup Louizman !