Apprendre le storytelling 3/3
Le collier de l’empereur
Il était une fois, dans une vaste prairie, un immense troupeau de moutons.
Il était si étendu que la prairie était comme une mer de laine mouvante, et qu’on pouvait voir au loin l’horizon onduler. Le ciel s’emplissait des carillons de cloches et des bêlements graves des bêliers, doux des brebis, aigus des agneaux.
Parmi le troupeau vivait un jeune mouton, unique fils d’une vieille brebis. Celle-ci était allongée sur le flanc, auprès de la barrière. Elle était sur le point de mourir. Auprès d’elle, son fils pleurait.
La brebis lui parla faiblement et il dut pencher ses longues oreilles pour mieux l’entendre :
« Prend ce collier, mon fils adoré. Je l’ai fabriqué pour toi. Il veillera sur toi après ma mort et te donnera d’excellents conseils. » Elle saisit alors avec ses dents, un lourd pendentif qu’elle fit glisser devant lui. Le jeune mouton passa le collier autour de sa tête laineuse, puis il poussa un long bêlement. Sa mère était morte.
Le lendemain, alors qu’il broutait comme d’ordinaire, il se sentit vide et seul. L’herbe lui semblait moins tendre et moins verte. Il porta le pendentif à son oreille. À sa grande surprise, la voix de sa mère en sortit qui lui dit :
« Va trouver le grand chef bêlier, provoque-le en duel, tue-le, et prend sa place. »
Cela n’était jamais venu à l’esprit du jeune mouton qu’on puisse défier le grand chef bêlier. Néanmoins, il décida de faire confiance à ce collier qui parlait avec la voix de sa mère bien-aimée, et fit donc ce qu’il demandait. Il s’en alla trouver le grand chef. Devant l’assemblée qui s’était écartée en cercle autour d’eux, il se battit, et dut foncer sur le vieux bêlier un certain nombre de fois avant que celui-ci ne tombe.
Puis il proclama : « Grand chef bêlier est mort ! Je suis votre nouveau chef ! » Tous l’acclamèrent : on avait jamais vu un tel héros.
S’asseyant sous le grand saule, il exigea qu’on lui apporte des rations de feuilles les plus fraîches et les fruits les plus mûrs. Et lorsqu’il voulait marcher, qu’on s’écarte pour le laisser passer.
Mais jeune mouton, qui était à présent grand chef mouton, se sentait toujours vide et seul.
Il porta encore une fois son pendentif à l’oreille pour obtenir conseil. Celui-ci parla de nouveau avec la voix de sa mère et lui dit :
« Bâtis une armée, car bientôt d’autres jeunes moutons pourraient avoir la même idée que toi et te défier. »
Il fit ce que le pendentif lui recommandait et recruta vingt-quatre des plus vaillants moutons à son service.
À présent, grand chef mouton ne se promenait plus sans son armée de fidèles moutons, douze à l’avant et douze à l’arrière.
Mais il se sentait toujours vide et seul.
Il avait pris l’habitude d’écouter le collier, et celui-ci, prenant invariablement la voix de sa mère lui conseilla cette fois :
« Va conquérir d’autres prairies et fais-toi empereur ! »
Avec ses vaillants moutons, il s’en alla en guerre dans les prairies voisines et ils conquit les royaumes Alpaga et Angora.
Bientôt, grâce aux conseils du collier, son règne s’amplifia. Il levait des impôts de plus en plus élevés, forçant les moutons à travailler sans relâche. Il fit creuser une fosse dans laquelle il jetait ses détracteurs, ou ceux qui ignoraient ses lois.
L’empereur mouton était devenu très riche et très gras. Il se pavanait parmi ses innombrables sujets, avec une couronne et une cape. Ceux-ci devaient se prosterner sur son passage et lui fournir des tonnes de nourriture. Mais il se sentait toujours vide et seul.
Parmi ses serviteurs était un mouton fort sage. Celui-ci amadoua l’empereur en lui donnant quelques conseils avisés et se rendit peu à peu indispensable. Il lui servait de mouton à tout faire, tantôt conseiller, portant ses affaires, exécutant ses ordres, et même lui frottant le dos dans son bain.
Un jour que l’empereur était de mauvaise humeur et demandait à prendre un bain relaxant, son serviteur lui dit :
« Ce collier a l’air lourd à porter, votre majesté, laissez-moi vous l’ôter. Vous pourrez mieux vous détendre dans votre bain. »
L’empereur se fâcha. « Pour que tu me le voles ? Laisse donc mon collier où il est. »
Une autre fois, l’empereur était tombé dans un rosier (il ne parvenait plus à marcher correctement, tant ses pattes étaient grosses) et son collier s’était pris dans les épines.
Le serviteur lui dit encore :
« Votre majesté, permettez que j’enlève votre collier un instant, afin de vous dégager des ronces. »
L’empereur, empêtré dans les branchages, était furieux. « Pour que tu deviennes empereur à ma place ? Plutôt mourir ! »
Souvent, le serviteur essaya de lui ôter son collier. Lorsqu’il avait pris une si grosse bouchée de fruit que le collier avait failli l’étrangler, quand il s’était endormi au soleil et que le métal avait brûlé sa toison, ou quand s’étant fait un torticolis en tournant la tête pour regarder derrière lui, il avait fallu qu’on le masse…
Jamais l’empereur mouton n’acceptait qu’on le lui enlève, et finit même par hurler au complot contre lui si l’on daignait regarder en direction de son cou un peu trop longtemps.
Puis, un jour, alors qu’il était déjà très vieux, et plus tellement gros, car plus le temps passait, moins les fruits n’avaient de saveur, il voulut aller se baigner une dernière fois dans la rivière, comme au temps où il était un tout jeune mouton.
Le serviteur, désormais un vieillard lui aussi, l’accompagna et lui dit cette fois d’un ton las, et sans espoir :
« Votre majesté, l’eau est profonde, et votre lourd collier risquerait de vous emporter par le fond. Laissez-moi vous l’ôter, et vous pourrez vous baigner tranquillement. »
L’empereur vit que son serviteur était à présent trop vieux pour oser lui voler le pouvoir, et il lui répondit enfin : « Après tout, tu as raison, prends-le et veille dessus. »
Il avait à peine passé le collier par dessus sa tête qu’il ressentit un immense soulagement et une grande joie. Il regarda le soleil. Il lui semblait qu’il brillait pour la première fois.
Il comprit alors qu’il avait gâché sa vie. Toutes ces richesses qu’il avait amassées n’avaient plus aucune valeur à ses yeux.
Il se baigna dans la rivière de son enfance, et laissant le courant glisser sur sa laine, il pleura de longs sanglots.
Puis, il regarda son serviteur et se sentit profondément touché par son vieil ami, qui l’avait suivi tout au long de ces années, sans jamais le juger, bien plus sage que lui, il avait deviné que le collier était un fardeau et avait tenté maintes fois de lui enlever.
Le vieil empereur fit alors rassembler tous les moutons de son empire et déclama :
« Que chacun cueille et ramasse pour lui-même. Ne laissez jamais l’autre vous guider dans vos choix. Jeunes moutons et jeunes brebis, n’écoutez que la voix qui résonne au-dedans de vous, et réalisez vos propres rêves, afin que plus tard, vous n’ayez pas à les faire accomplir par vos enfants. »
Puis il ferma les yeux et mourut.
C’est ainsi que depuis ce jour, les moutons vécurent heureux et libres jusqu’à la fin des temps.
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Cet article fait partie d’une série de 3. Vous pouvez lire les autres en cliquant ici :
Apprendre le Storytelling – Leçon 2/3 (Les mythes et légendes)
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Cela fait maintenant 3 semaines que je donne des ateliers d’écriture et voici ce que j’entends le plus :
« Je veux savoir mettre en forme mes idées ! »
Comme si le fond était détaché de la forme.
Comme si nos idées étaient forcément bonnes et que seule la forme posait problème. Mais comme le savent fort bien à présent les participants au coaching, plus le fond est maîtrisé, plus la forme en découle naturellement.
Il existe bien-entendu de nombreuses façons d’améliorer le fond, la pensée et les idées, mais aujourd’hui, je vais vous révéler la manière d’écrire une bonne histoire qui, même si vous ne connaissez pas tous les secrets de la stylistique, vous donnera néanmoins une excellente base pour saisir et accrocher vos lecteurs.
Vos histoires feront s’émouvoir et s’engager votre audience.
Le premier ingrédient secret qui vous permettra de posséder l’attention de votre lecteur :
Storytelling : Créer une promesse
La promesse dans une bonne histoire, est tout ce qui donne au lecteur le plus grand éventail de possibilités quant au dénouement. Il s’agit une vaste page blanche, qui s’offre à l’imaginaire du lecteur.
Dans le conte, la promesse est faite par le collier. Quels conseils va donner le collier ? Comment va réagir le mouton ?
Voici des exemples qui marchent tout le temps pour créer une promesse facilement :
Un objet puissant
La lampe d’Aladdin ou l’anneau maudit, la boîte de Pandore ou les bottes de sept lieues…L’objet puissant crée une promesse par son grand pouvoir, ou le mystère qu’elle contient. Le lecteur a alors la possibilité de fantasmer les possibilités, d’espérer et de s’identifier.
C’est cela qui va le faire s’intéresser au personnage, car il se mettra à désirer de toutes ses forces qu’il utilise l’objet d’une certaine façon.
Voici une liste d’objets de fiction ayant été utilisés depuis la nuit des temps, pour vous inspirer.
Une île déserte
Le thème du naufragé sur une île déserte marche toujours. C’est la page blanche par excellence.
Un territoire vierge, sans aucune loi, avec une ou plusieurs personnes pouvant agir dessus à leur guise : voici une promesse d’envergure !
Jules Verne l’a utilisé plusieurs fois, dans Deux ans de vacances ou l’Île mystérieuse, et Tom Hanks nous a fait haleter dans « Seul au monde ».
Lîle déserte est un excellent prétexte à délivrer un message philosophique, comme dans Sa Majesté des mouches, ou encore Vendredi, ou les limbes du Pacifique, car elle permet de confronter ses personnages à leurs valeurs profondes.
Une mission dangereuse
Nos héros préférés vivent des aventures parce que des missions leurs sont confiées. Ils ne prennent jamais la décision eux-même de devenir des aventuriers.
Le principe fonctionne toujours de la même manière :
Un personnage a une vie tranquille. Un autre personnage plus important (on l’appelle le destinateur) vient le trouver et lui dit qu’il est le seul à pouvoir faire quelque chose qui nécessite son départ immédiat.
C’est Bilbon Sacquet sollicité par Gandalf, Néo contacté par Morpheus, ou Harry Potter recevant une lettre de Dumbledore.
Il est intéressant de constater que le métier original du personnage n’est pas forcément relié à la dangerosité. Et pourtant, combien d’enfants ont désiré embrasser la carrière d’archéologue après la sortie du premier Indiana Jones ! Combien de petits informaticiens sont nés après Matrix !
C’est parce que le métier semble destiner le personnage à l’aventure. Or, il n’est qu’un prétexte. C’est davantage la foi d’une entité supérieure en la qualité d’élu du héros qui compte.
Donc, donnez un magicien, un dieu ou un chef d’État qui croit en votre héros, et celui-ci pourra bien être fermier ou instituteur ! L’important est qu’on décide de lui confier une mission qui va le confronter à des ennemis.
La découverte d’un pouvoir
Vous vous réveillez un matin et vous découvrez que vous savez voler. Qui n’en a pas rêvé ?
C’est ainsi que les super-héros ont la cote depuis toujours. Dans la mythologie déjà, chaque Dieu avait un pouvoir particulier qui lui donnait un grand nombre de possibilités.
Le principe du super-héros est qu’il a une vie tout à fait ordinaire et qu’il se découvre soudain un pouvoir surnaturel, qu’il possédait à la naissance ou à cause d’un accident indépendant de sa volonté.
Exemples de fictions où les héros se découvrent :
- Spiderman (Peter Parker est mordu par une araignée radio-active)
- The misfits (Un orage donne à des cas-sociaux des pouvoirs extraordinaires…ou absurdes)
- Heroes (Une raison inconnue procure à une sélection d’êtres humains des super-pouvoirs)
- Harry Potter (découvre par une lettre à l’âge de 11 ans qu’il est un sorcier)
- Bruce tout-puissant (Dieu donne ses pouvoirs à un homme pendant 7 jours)
- Limitless (Un écrivain teste une pilule qui décuple l’intelligence)
- Lucy (Une jeune femme est utilisée comme mule pour le transport de drogue dans son ventre, ce dernier explose dans son corps et lui donne une intelligence surnaturelle)
Et bien-entendu, ces différents ingrédients peuvent être associés afin de créer des promesses encore plus grande.
Mais si vous créez une promesse, il va falloir la tenir…Voici l’ingrédient magique qui vous permettra de ne jamais décevoir votre lecteur :
L’idiosyncrasie : la recette miracle
« Nan mais je retiendrai jamais un mot aussi compliqué ! » gémit Anne-Clotilde.
C’est vrai qu’il est difficile ce mot. Et moche en plus. La légende dit qu’un académicien pervers l’a créé un soir de cuite, après s’être fait quitter par sa femme.
Mais il est nécessaire.
Alors c’est quoi cette bestiole ?
L’idiosyncrasie est tout simplement la manière très personnelle, souvent passionnelle, dont une personne va réagir face à un évènement (oui, évènement s’écrit comme ça depuis le 1er janvier 2016).
Les réactions idiosyncratiques de vos personnages doivent être des plus déraisonnables, afin de donner de leur donner de l’intérêt, et par extension d’en donner à l’histoire.
Une bonne histoire dépend surtout de bons personnages, et la création du personnage découle avant tout de ses réactions.
On ne dit pas « Aladdin est amoureux au point d’en devenir idiot et de gaspiller un vœu », on le fait faire le vœu de devenir prince.
Un esprit logique aurait souhaité la paix dans le monde, la richesse pour tous, de pouvoir faire tous les vœux possibles, ou d’avoir un ordinateur surpuissant qui dévoile le secret de la vie et du bonheur. (42, selon H2g2 : Le guide du voyageur galactique).
Et justement comme le personnage ne va jamais réagir de manière logique, cela crée en nous une frustration qui donnera envie de lire la suite.
Plus le personnage réagira de façon stupide, déraisonnable ou passionnée, plus votre histoire prendra de l’ampleur.
Dans Le collier de l’empereur, le mouton suit tous les conseils du collier, sans prendre de recul, et devient un dictateur assoiffé de pouvoir. À toutes les tentatives de son sage conseiller (la voix de la raison), il réagit de manière paranoïaque et agressive.
S’il avait réagi à la voix du collier en disant : « Heuuu, il délire ce collier. En plus il a la voix de ma mère morte, c’est assez glauque. Je vais plutôt ne pas l’utiliser et continuer ma vie comme d’habitude. » Le conte n’aurait plus aucun intérêt…
Voici donc comment créer facilement de l’idiosyncrasie pour vos personnages :
S’inspirer de votre vie
Si vous pouviez remonter le temps et changer un choix que vous avez fait, que feriez-vous ?
Voilà le genre de réaction qui était dicté par vos passions et qui vous donnera de l’inspiration pour vos personnages. Ou encore, imaginez-vous réagir à chaque évènement d’une façon opposée :
Au lieu de vous asseoir à votre place dans le métro, vous vous asseyez sur les genoux de quelqu’un. Au lieu de dire bonjour à votre voisin, vous le regardez d’un air inquiet et partez en courant. Au lieu de signer « Cordialement » à vos mails, vous écrivez « Je vous méprise ».
Que se passerait-il ? Et quelle pourrait être le motif de ce genre de réaction ?
D’autre part, si vous plongez dans vos souvenirs, vous trouverez de nombreuses réactions incompréhensibles de la part d’autres personnes.
« Mais pourquoi fait-il cela ? » vous êtes-vous demandé à l’époque.
Vous avez aussi dans votre entourage des personnes qui semblent ne jamais agir raisonnablement et se font souffrir, ou font souffrir les autres. Ce sont des réactions qui viennent de quelque part, et ont une raison profonde, c’est pourquoi si vous vous en inspirez pour vos histoires, vous donnerez beaucoup de profondeur à votre personnage. Demandez-vous à chaque instant, comment réagirait l’infâme Mr Dubois du service des relations humaines, s’il était propulsé dictateur…
Dans le conte des moutons, je me suis inspirée de mon passé avec ma mère (qui m’a donné enfant la directive « Quoi que tu fasses, soit toujours la meilleure ! » et qui m’a gâché l’existence pendant longtemps…).
S’inspirer des pathologies psychiatriques
Les aléas de l’éducation et des souffrances subies créent un éventail de symptômes et syndrômes variés qui donneront une vérité et de la profondeur à vos personnages.
Dans Le collier de l’empereur, l’empereur mouton a une compulsion de pouvoir démesurée, il est paranoïaque, boulimique, narcissique…
Voici la catégorie Wikipédia des troubles mentaux et de leurs diagnostiques. Rien que dans la schizophrénie, vous trouvez énormément de variantes de symptômes.
Attention, il est nécessaire de faire des recherches sur les causes extérieures de ces pathologies, et l’ensemble de leurs effets, si vous souhaitez éviter de donner un ton superficiel à votre histoire.
En effet, si vous vous basez de manière simpliste sur une cause « génétique » et ignorez tout de la souffrance de la personne, votre personnage vous échappera totalement.
Pour cela, lisez des oeuvres témoignages, qui vous feront comprendre les conséquences des abus subis, ou de la littérature psychiatrique. Par exemple, lisez les conséquences de l’ESPT.
Certains me rétorqueront qu’il est inutile de posséder un diplôme en psychiatrie pour écrire un roman. Et je leur répondrai qu’effectivement, un psychiatre sera incapable d’écrire un roman, parce qu’il ne s’intéresse qu’au symptômes et diagnostique des cas, alors qu’en tant qu’écrivain, vous parlez d’êtres humains à d’autres êtres humains.
Il vous faut donc pénétrer la conscience humaine, d’une manière ou d’une autre, en écoutant les gens, en les comprenant, en les lisant. Il vous faut en tant qu’écrivain, posséder des connaissances en psychologie.
Anton Tchekhov, par exemple, sans avoir étudié la psychologie (il est mort juste avant que Freud ne popularise la psychanalyse), était un médecin de campagne, et se rendait dans l’intimité des familles, écoutant leurs malheurs et comprenant leurs effets sur le comportement. Il possédait une grande connaissance de l’humain qui lui a permis d’écrire des pièces de théâtre complexes et subtiles.
Emily Brontë, qu’on a longtemps dit « recluse » et qui stupéfia par la richesse de ses écrits, était en fait passionnée par les histoires de son village, et prêtait une grande attention aux personnes. Elle lisait aussi énormément et suivait l’actualité.
Voici une liste d’ouvrage à lire qui vous permettront de comprendre les causes et les effets des maltraitances :
- Les oeuvres de Torey Hayden (Une pédopsychologue qui suit des enfants décrits comme des « cas désespérés » et explique toujours les causes et les effets).
- C’est pour ton bien d’Alice Miller. (Les effets de la pédagogie noire dans l’Allemagne pré-hitlérienne, qui raconte notamment l’enfance du dictateur)
- La balade de Lila K. de Blandine Le Callet (Les troubles du comportement d’une jeune fille et leur explication)
- L’enfance des criminels, d’Agnès Grossmann
Encore une fois, il ne s’agit pas de devenir un spécialiste des pathologies, mais de comprendre la logique d’un comportement afin d’être cohérent dans son histoire.
De toute façon, sachez que :
La qualité de vos écrits se mesurera toujours à la qualité de vos recherches. Twitte ce tip à tes potes.
Vous voici avec de multiples promesses et un personnage délirant : comment les insérer dans une histoire qui tient la route ?
Écrire une bonne histoire : le schéma narratif
Un schéma narratif se construit en 5 temps :
- La situation initiale ou Incipit
- L’évènement perturbateur/déclencheur ou bouleversement
- Le déroulement (péripéties) avec un apogée, appelé climax
- Le dénouement, résolution ou solution
- La situation finale ou explicit
Cela, vous l’avez sûrement déjà lu à plusieurs reprises, et je ne vais donc pas décrire, encore une fois, les 5 étapes du schéma narratif, mais plutôt vous expliquer exactement comment les mettre en forme au sein de votre histoire.
Le paradis perdu : la quête ultime
Une histoire, quelle qu’elle soit, ne marchera pas si elle ne possède pas une quête vers le retour à la paix. Il faut une résolution qui dénoue le conflit et apaise la situation.
Même si cette quête est implicite, et que le roman finit mal, ou qu’il débute par la découverte d’un meurtre, la situation de paix a existé et devrait exister de nouveau.
Pour créer cette paix, il faut introduire l‘émerveillement.
L’émerveillement est provoqué par la contemplation de l’harmonie.
L’harmonie est la concordance parfaite des éléments entre eux. Une mère qui câline son petit, une chorégraphie de danseurs, des notes de musiques bien assemblées, un coucher de soleil qui illumine le ciel et le paysage…
L’émerveillement suscite de l’engagement. Regardez : j’ai posté hier sur Facebook une vidéo qui suscite l’émerveillement. On y voit une maman loutre se laisser glisser sur l’eau, protégeant et câlinant son petit sur son ventre. Elle a été likée près de 180 fois en quelques heures.
Dans une histoire qui marche, il y a une harmonie au début de l’histoire (ou dans un passé lointain, mais qui est citée), et un retour à l’harmonie à la fin.
Dans le conte des moutons, l’harmonie est visible au début : moutons qui paissent tranquillement dans une grande prairie. Et à la fin : mouton qui retrouve la raison et le coeur, et qui libère le peuple de son joug.
Voici comment provoquer l’émerveillement :
- Une famille heureuse, où tout le monde s’aime (ou semble s’aimer)
- Un peuple heureux, dans un pays en paix
- Des bébés, ou des animaux (tous les êtres inconscients des effets qu’ils provoquent, sont fluides dans leurs mouvements et actions)
- Un paysage de nature sauvage
- Un bateau qui navigue sur une mer tranquille (My heeeeaaaaaart will go ooooooon)
La lutte du bien contre le mal
L’ennemi représente le mal, l’élément discordant qui vient rompre l’harmonie. Cela peut être une personne, un objet ou un état (comme une malédiction).
Attention à ne pas tomber dans le piège du manichéisme. L’ennemi n’est pas toujours un « méchant ». L’important est de se rappeler que l’harmonie est rompue par l’élément.
Par exemple, dans Les hauts de Hurlevent, de Emily Brontë, il n’y a pas de méchant à proprement parler. Heathcliff constitue plutôt une victime, et pourtant, c’est lui l’élément perturbateur. Celui qui, par son arrivée, causera tous les tourments des personnages. Hindley le maltraite, Catherine le rejette, tout le monde le traite mal et il deviendra un être odieux et pervers. Les coupables « méchants » seraient plutôt Hindley et Catherine, et pourtant l’harmonie est rompue par Heathcliff, et on attendra tout le long du roman que revienne la paix originelle. Qui revient d’ailleurs à la mort de ce dernier.
Pour créer un élément perturbateur crédible, voici des exemples :
- Un traître (ami qui devient ennemi, à cause d’une concurrence amoureuse par exemple)
- Une malédiction (élément surnaturel, dieux, sorcière…)
- Un personnage qui désire se venger
- Un personnage qui désire le pouvoir, la richesse (ambitieux, sans scrupules)
- Un grave accident qui rend un personnage monstrueux (Le Joker qui tombe dans un bain d’acide, ou encore la perte d’un travail qui rend un père alcoolique)
Storytelling : Un déroulement en plusieurs étapes
Si l’on compare le déroulement d’une histoire à un match de boxe, les évènements sont les coups de l’adversaire et ceux du protagoniste, et le climax est le coup final qui met l’adversaire K.O, la situation finale est l’arbitre qui prend le bras du boxeur pour le nommer vainqueur et la foule qui applaudit.
Si vous souhaitez créer du suspense, il faut qu’il y ait un combat avec plusieurs rounds. Votre lecteur doit espérer, déchanter, espérer à nouveau, enrager, espérer encore, être frustré à l’extrême et enfin, être satisfait par la résolution.
Dans le conte du mouton, le serviteur tente plusieurs fois d’ôter le collier, mais l’empereur refuse chaque fois. Le climax est quand il accepte enfin de l’enlever, pensant son serviteur trop vieux pour s’enfuir avec.
Voici des exemples de déroulement en plusieurs étapes :
- Dans un roman policier, le meurtrier envoie des messages codés pour défier la police, et tue à plusieurs reprises.
- Dans un roman d’aventures, le héros part à la recherche d’un trésor, et se fait doubler plusieurs fois par son ennemi
- Dans un drame, le héros est victime du sort ou d’autres personnes, à de nombreuses reprises
- Dans un roman de chevalerie, le héros doit traverser des épreuves et répondre à des énigmes
- Dans un roman d’horreur, le héros voit mourir tous ses amis de façon de plus en plus atroce
- Dans une histoire d’amour, un ennemi tente par tous les moyens d’empêcher les héros de s’aimer
La quête comme fil conducteur
Il faut que vous donniez à votre héros un but intérieur, sa propre représentation de la paix. Par exemple, Bilbon Sacquet cherche à retourner chez lui pour être tranquille avec ses possessions matérielles. Sa représentation de l’harmonie est « qu’on le laisse consommer en paix ».
Cela explique donc la plupart de ses décisions : il aime se rendre invisible, fuir, se cacher, mais aussi posséder (la bague, ou l’Arkenstone), il se sent en danger quand les nains viennent manger ses victuailles.
Si vous gardez en tête le but de votre héros, vous donnerez à votre histoire un grand effet de réalisme.
Dans le film Lawrence D’Arabie, la quête du héros est de comprendre qui il est lui-même. Il se cherche. Il cherche la paix intérieure en faisant lutter les Arabes pour leur indépendance. En réalité sa propre indépendance. Dans mon travail de psychothérapeute, j’observe chaque jour des personnes qui, n’ayant jamais pu accéder à une véritable autonomie de pensée, se sentent vides, et cherchent un sens à leur vie.
Le dénouement, le reflet du bouleversement
Le dénouement doit être un évènement d’ampleur similaire au bouleversement et qui vient stopper la bataille, amenant à une situation finale.
Malgré la quête vers la paix, la fin d’une histoire n’est pas toujours heureuse. L’important est que la bataille s’arrête. Si le héros meurt, la bataille s’arrête d’office.
Dans Le collier de l’empereur, la bataille s’arrête parce que le collier a été enlevé et le mouton redevient immédiatement bon. Le collier a été mis/le collier a été enlevé : deux versants opposés d’une situation.
- Le meurtrier tue > Le meurtrier est tué.
- Le vilain petit canard est laid > Le vilain petit canard est en fait beau
- Le sorcier maudit un peuple entier > Il finit horriblement terrassé
- Heathcliff est adopté > Heathcliff meurt (Vous remarquez l’ampleur similaire du bouleversement et du dénouement : l’élément perturbateur est l’arrivée de l’enfant, le dénouement son départ…)
Dans Titanic par exemple :
Le dénouement est que Rose refuse de monter dans le bateau et préfère suivre Jack. Le bouleversement était : Rose est mariée, le dénouement est Rose « divorce » ou encore « le mari abandonne pour sauver sa peau ». On pourrait croire que le bateau qui coule est le bouleversement, mais en réalité, il fait partie des aléas empêchant les deux héros de s’aimer. Le climax est donc le mari qui poursuit sa femme avec une arme pour qu’elle le suive dans le bateau, mettant fin pour toujours à l’histoire d’amour.
Vous voilà donc avec de bons ingrédients : des personnages hauts en couleur, des promesses, une histoire palpitante, le tout mélangé dans moule narratif et pourtant, le gâteau manque de saveur. Pourquoi donc ?
Votre direction secrète
C’est qu’il vous faut une direction, un but secret.
Cela peut être une morale, on encore une vision inspirante.
Mais cela peut être aussi un but tout autre, comme par exemple Michel Gondry qui réalisa le film « La science des rêves » pour qu’on puisse lui dire si son histoire d’amour (avec une femme ayant réellement existé et jouée par Charlotte Gainsbourg dans le film), aurait pu marcher, si cette femme l’aimait ou non. Il voulait qu’un spectateur vienne le voir et lui dise : j’ai vu l’histoire, et j’ai compris qu’elle t’aimait, tu ne t’étais pas trompé.
Beaucoup d’écrivain ont le désir secret d’être compris par leur lecteur, mieux qu’ils ne se comprennent eux-même.
Stephen King avait peut-être pour but secret d’être enfin reconnu comme le plus terrifiant de tous ? Cela expliquerait l’énergie qu’il mettait à créer les situations les plus angoissantes qui soient !
Dans votre histoire, votre rôle n’est pas d’être le héros, mais le mentor, celui qui emmène votre lecteur dans une direction, afin que celui-ci en soit le véritable héros, et prenne une décision après sa lecture.
Mon but secret dans le conte des moutons, est de vous donner envie de remettre en questions votre éducation et vous encourager à penser par vous-même.
Voilà, la série « Apprendre le Storytelling » est terminée ! J’espère que vous aurez pris plaisir à la lire, et j’attends vos remarques avec impatience.
Sophie Gauthier vous apprend à écrire et à vivre de vos écrits. Articles, livres, romans, pages de vente : découvrez comment rédiger et devenir un pro de la plume !
Comment ne pas taire ! Bravo pour cette synthèse, qui suffira amplement à donner du cadre à qui s’y mettra vraiment (à écrire), et le fond de la question reste souvent là. Un détail qui compte (qui tue?) nous ne sommes pas le héros de l’histoire que nous écrivons, nous devons être le mentor de celui-ci! Dernier point je rejoins la remarque sur comment appliquer le storytelling à définir-exprimer l’identité de mon entreprise… petite mais qui j’espère ne connaîtra pas la crise… ContinueZ !!!
Bonjour. J’aimerai avoir ton avis sur ce que ne compte faire pour le storytelling de ma future entreprise. Peut être que je n’ai pas tout compris malgré les 3 parties. Peux tu me.contacter par mail ? Merci
Merci Sophie! C’est très bien expliqué et avec des exemples pertinentes. J’ai appris beaucoup !
Merci beaucoup Sonia !
Salut Sophie
cela raconte véritablement des histoire.
Merci pour ce billet wonderful
Merci! Super utile…!
Un grand et sincère merci pour l’ensemble de ces conseils, extrêmement précis et inspirants, arrivant à point nommé dans ma propre quête.
Avec plaisir Laure, merci pour ton passage ici.
Superbe article! (Y)
Une fois qu’une personne a assimiler tout ça, c’est parti!
Merci beaucoup Mickaël !
Un petit mot pour dire tout simplement Merci pour cet article d’une grande qualité et très complet. Je découvre et je pressens des heures de plaisir à te lire !
Merci beaucoup David, bonne lecture !
salut,
lecture toujours aussi interessante et pleine de bons conseils. ma question concerne les mots clés (oui je suis un peu obsédée par les mots clés !) le storytelling sur le net doit-il suivre les mêmes règles que pour une rédaction web plus classique sous forme d’un art ? en gros quand et où placez le mot clé ?
Salut Alexe,
Il est tout à fait possible d’écrire une histoire contenant des mots-clés ! Personnellement, je fais confiance aux mots-clés de l’article, et si j’ai envie d’écrire une histoire qui n’en contient aucun, je m’en fiche. 🙂 Rédaction web, c’est vaste, si tu fais une description de produit, il va de toutes les façons falloir que tu insères des mots-clés. Bon courage !
Salut Sophie!
Merci pour cet article de qualité et ton histoire qui m’a rapidement emporté et tenu en haleine…
J’aime aussi beaucoup écrire, j’ai fait mes recherches sur le storytelling, mais j’ai découvert à ta lecture de bons conseils que je vais mettre en pratique.
Merci 😉
Salut Julien,
Un conte qui tient en a-laine 😀 (jeu de mot pouet-pouet)
Je vois que tu as un blog, je vais aller faire un tour. Merci pour ton passage ici et à bientôt !
Bon ça suffit ça fait trois fois que je refais mon commentaire ! Tout ça pour écrire que je ne sais pas quoi dire ! Tu me fais presque peur avec tous ces articles 🙂 Bon sur ce je vais continuer mon petit bouquin avec tous ces conseils, il sortira un jour ou pas mais de toute façon je m’éclate bien avec toutes tes idées, tes pistes… Ah bien si en fait j’avais quelque chose à dire 🙂
Salut Anne-Cat,
Ah ouais 3 fois pour écrire « je sais pas quoi écrire mais en fait si » 😀 Bon courage pour ton bouquin, je ne doute pas qu’il voie le jour ! 😉
Wow ! j’adhère à 100% ! ce qui me touche et peu communiqué sur les blogs je trouve , c’est une de tes dernières phrases : « … afin que celui ci ( le lecteur) en soit le véritable héros et prenne une décision après sa lecture. » Ouais !!!! C’est le top, l’Everest d’un auteur. Vraiment bravo et merci pour tes articles 🙂
Salut Marjorie,
Merci beaucoup pour ton commentaire ! À nous deux on escalade l’Everest sans même perdre un bout de doigt. 🙂 À très vite.